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“C’est un métier dur que l’exil” 

Si l’on manque encore de données précises sur les particularités de la migration au féminin, une chose demeure évidente : l’omniprésence des violences sur la route de la migration (harcèlement, viols, traite, etc.). 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

22 oct.

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“C’est un métier dur que l’exil” 

Si l’on manque encore de données précises sur les particularités de la migration au féminin, une chose demeure évidente : l’omniprésence des violences sur la route de la migration (harcèlement, viols, traite, etc.). 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

22 oct.

Alors que le gouvernement Barnier se lance dans un énième projet de loi immigration dont on sait qu’il sera extrêmement restrictif, alors que les violences au Proche-Orient jettent sur les routes de l’exil des milliers, voire des millions, d’enfants et de femmes avec pour certaines des situations de double ou de triple exils, il nous a semblé important de revenir sur la situation des femmes en des enfants en situation de déplacement. Ce que cela signifie de devoir quitter sa vie, son pays, sa famille du jour au lendemain avec nul part où aller. 

Selon ONU femmes, les femmes représentent près de la moitié des 244 millions de personnes en situation de migrations et la moitié des 19,6 millions de réfugié·es. Pourtant, leur parcours reste encore beaucoup trop invisible, alors même qu’elles sont soumises à une double violence, xénophobe parce qu’elles sont étrangères et sexiste parce qu’elles sont femmes. Dans leurs pays d’origine, durant le voyage et à l’arrivée, elles sont victimes de discriminations, de violences et de systèmes d’exploitation qu’il est encore très difficile de prévenir. 

Pendant longtemps, on a pensé la migration d’un point de vue exclusivement masculin. Dans l’imaginaire collectif, le réfugié est un homme jeune, fuyant les violences de la guerre ou une situation économique difficile. La migration des femmes est perçue comme relevant d’un regroupement familial : la femme suit son mari, parfois avec des enfants. L’accueil des réfugiées ukrainiennes a mis en évidence un phénomène pourtant déjà bien amorcé, celui d’une migration de femmes jeunes, souvent seules. Les violences auxquelles sont confrontées les femmes en situation de migration et les besoins spécifiques à mettre en place commencent seulement à se faire jour.

Les violences liées au genre débutent parfois dès les pays d’origine : mutilations sexuelles, exploitations sexuelles, mariages forcés, crimes de guerre, discriminations liées à l’orientation sexuelle sont souvent des déclencheurs de départ. Les violences de genre sont encore peu évidentes à faire valoir dans les demandes d’asile. La loi relative au droit d’asile de juillet 2015 prévoit pourtant que les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle sont prises en considération. Même si la convention de Genève ne prend pas en compte l’orientation sexuelle comme motif de droit d’asile, les personnes LGBTQIA+ sont considérées comme un “groupe social”. Des personnes LGBTQIA+ du Ghana, de République démocratique du Congo, de Syrie et du Daghestan, notamment, ont ainsi pu obtenir le droit d’asile. Les mutilations sexuelles peuvent être aussi considérées comme des motifs de droit d'asile pour les petites filles et leur famille. Le mariage forcé reste lui difficile à prouver et n’aboutit que rarement à une réponse positive. En France, grâce notamment à la Cimade, les femmes victimes de traite sexuelle bénéficient d’une protection internationale. Quelques femmes ont pu ainsi obtenir le droit d’asile. La situation reste malgré tout catastrophique pour ces femmes. Les demandeuses d’asile rechignent souvent à dénoncer les violences dont elles sont victimes et doivent aussi affronter la suspicion d’une administration peu encline à reconnaître ces violences. 

Si l’on manque encore de données précises sur les particularités de la migration au féminin, une chose demeure évidente : l’omniprésence des violences sur la route de la migration (harcèlement, viols, traite, etc.). Pour les femmes qui n’ont pas les ressources nécessaires afin de financer leur voyage, les passeurs n’hésitent pas à les violer. Certaines femmes en situations de migrations venues d’Afrique et transitant par la Libye, racontent qu’avant leur départ elles prennent la pilule contraceptive afin d’éviter les grossesses liées à ces viols. Ces violences sont également régulières dans les camps de transit. Les femmes n’y ont pas d’espace à elles, pas de salles de bains dédiées, la promiscuité est importante et il n’y a pas de lumières la nuit. En 2014, dans le camp grec de Nea Kavala, les femmes yézidies ont constitué un “cercle de protection” afin de se protéger des violences sexuelles et du harcèlement. Les femmes sont aussi plus dépendantes de leur famille et de leur entourage. Comment dans ces conditions dénoncer des violences domestiques ? La confrontation avec les autorités, les polices des frontières et les personnel·les des centres de rétention, est aussi source de violence et de rapport de domination.

Depuis le 7 octobre 2023, l’offensive israélienne dans la bande de Gaza a fait plus de 1,9 millions de déplacés dans un minuscule territoire. La grande majorité sont des femmes et des enfants qui subissent la double peine de l’errance et de la nécessité de trouver de quoi se soigner et se nourrir. L’ONU a alerté plusieurs fois sur le sort des femmes enceintes et allaitantes. Les chiffres à date du mois de mai 2024 faisaient état de 50 000 femmes enceintes et 20 000 nouveau-nés privé·es de soins. Plus de 183 femmes accouchent chaque jour sans traitement contre la douleur et le taux de fausse-couche a augmenté de plus de 300%.  On estime à 690 000 le nombre de femmes et de jeunes filles privées de produits d’hygiène menstruelle. 

Depuis le 30 septembre 2024, l’offensive israélienne au Sud du Liban a jeté sur les routes plus de 1 millions de personnes dans un territoire déjà exsangue. Là aussi, les femmes sont aux premières loges. 

L’amplification des conflits, la multiplication des catastrophes écologiques laissent à penser que les flux migratoires ne cesseront d’augmenter et avec lui notre obligation de protection à l’égard des plus vulnérables. Il est urgent de mieux connaître et identifier les violences et les inégalités auxquelles sont confrontées les femmes en exil. Il est urgent de repenser notre rapport aux frontières et de créer des conditions de déplacement sûres pour que toute personne victime de violences puisse bénéficier de la protection à laquelle chaque être humain a droit.  

“C’est un métier dur que l’exil”, citation de Nazim Hikmet

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