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Les femmes à chats, un stéréotype sexiste 

Largement repris dans la pop culture et dans les films, le cliché de la vieille fille à chat est l’un des plus sots et des plus injustes qui visent les femmes et témoignent, même encore maintenant, de la pauvreté des destins qui leurs sont proposés. 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

14 janv.

brown cat across person lying on bed
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Les femmes à chats, un stéréotype sexiste 

Largement repris dans la pop culture et dans les films, le cliché de la vieille fille à chat est l’un des plus sots et des plus injustes qui visent les femmes et témoignent, même encore maintenant, de la pauvreté des destins qui leurs sont proposés. 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

14 janv.

La vidéo date de 2021, mais elle est ressortie cet été à la faveur de la campagne électorale américaine, on y voit JD Vance, le colistier de Donald Trump fustiger “a bunch of childless cat ladies who are miserable at their own lives”, littéralement “des femmes à chats sans enfants et malheureuses” avant d’ajouter que ces femmes n’avaient “aucun intérêt pour le pays” puisqu’elles n’avaient pas procréé. Visant directement Kamala Harris, cette sortie a été reprise et tournée en dérision par des millions de femmes américaines sur les réseaux sociaux. C’est d’ailleurs par une photo d’elle avec ses deux chats que Taylor Swift a affiché officiellement son soutien à Kamala Harris sur Instagram. Si les “childless cat ladies” ont retourné le stigmate et répondu à la misogynie de JD Vance de la plus belle des manières, il n’en reste pas moins que la fameuse “femme à chats” à laquelle on associe d’ailleurs souvent les termes “vieille”, “folle” ou “célibataire” est un des plus vieux stéréotypes sexistes qui touchent les femmes célibataires et sans enfants.

La “childless cat lady” que l’on pourrait traduire par “vieille fille à chats” est une femme célibataire, hétérosexuelle, si aigrie dans sa solitude que seul son chat la supporte. Puisqu’elle n’a ni compagnon, ni enfant, c’est tout naturellement que sa vie se déroule sur son canapé, seule devant Netflix. Le chat représentant l’animal domestique par excellence, celui qui, contrairement au chien, vit à l’intérieur de la maison sans jamais en sortir. Le chat est aussi un animal farouchement indépendant, inquiétant. Parfois associé au vice et au mal, soit à une sexualité débridée, soit au contraire à une espèce de virginité étiolée. Ce stéréotype puise naturellement sa source dans la chasse aux sorcières du XVème siècle, avec l’image de la sorcière folle toujours accompagnée de son félin.

Largement repris dans la pop culture et dans les films, le cliché de la vieille fille à chat est l’un des plus sots et des plus injustes qui visent les femmes et témoignent, même encore maintenant, de la pauvreté des destins qui leurs sont proposés. Puisqu’il est inenvisageable qu’une femme n’ait pas pour seul désir que de se marier et de faire des enfants, toute contrevenante est forcément suspecte, et donc folle, ou aigrie, ou frustrée etc.

Dans le film Adorable voisine de Richard Quine, Kim Novak joue une sorcière new yorkaise qui vit avec son chat, l’inénarrable Pyewacket. Comme toutes les sorcières, elle est incapable de tomber amoureuse alors que c’est son rêve le plus cher. A ce sujet, son frère a cette phrase édifiante “Elle est amoureuse ? Horreur ! Mieux aurait valu qu’elle soit morte.”  Elle finit par tomber amoureuse de son voisin, un éditeur incarné par James Stewart. Ouf ! Tout est bien qui finit bien. Si le film est absolument charmant, il n’en illustre pas moins cette idée que l’incapacité à tomber amoureuse, ou le désir de se soustraire au couple restent une anomalie. 

Dans sa thèse, Le choix d’une vie sans enfant publiée en 2014 aux Presses Universitaires de Rennes, la sociologue Charlotte Debest montre bien le lien entre le chat et le discrédit des femmes en politique. L’attaque de JD Vance venant alors s’inscrire dans une longue tradition. En effet, dès les années 1900, les anti-suffragistes utilisaient le chat pour désamorcer le combat des suffragettes et leurs revendications. A la manière d’une Kamala Harris ou d’une Taylor Swift, Nell Richardson et Alice Burke ont récupéré le cliché à leur avantage et l’une des plus célèbres affiches des suffragettes montre un gros chat noir avec écrit en dessous “I want my vote”.

Dans une société où le couple, qu’il soit hétérosexuel ou non, et la famille continue d’occuper une place fondamentale, il n’est pas sûre que Taylor Swift et quelques tote bags “childless cat lady” suffisent à aider les femmes à croire en leur propre sagesse et en leur propre autonomie. Les propos de JD Vance ont été prononcés dans une période où les droits des femmes, aux Etats-Unis, et ailleurs, régressent dans des proportions inquiétantes. Qu’il existe dans notre société des femmes qui, par choix ou par hasard, dans la joie ou dans les ténèbres, mènent des vies autonomes où les liens s’incarnent de manière plus souples devrait nous apparaître comme une vraie proposition politique et non la source de bonnes blagues ou de réappropriation à peu de frais. 

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