Dans Popol Post #43, nous nous posions déjà cette question : « Qu’est-ce que les hommes doivent au féminisme ? » La réponse à cette question est « tant et tant » et tout en l’explorant, nous interrogions le gouffre immense, et dangereux, qui semblent, depuis #metoo, séparer les hommes et les femmes.
Le procès de Dominique Pélicot, dit aussi « Procès de Mazan », accusé d’avoir soumis sa femme, lourdement sédatée, aux viols de plus de 80 hommes, a achevé de creuser ce gouffre. L’histoire est si triste, si sordide, si injuste, qu’elle dépasse l’entendement. Et lorsqu’à l’effroi des femmes, la seule réponse a été la même vieille rengaine de « not all men », l’émotion s’est légitiment transformée en colère pour ne pas dire en rage.
Il y a beaucoup à dire sur l’absurdité de cet argument « not all men », à commencer par le fait que n’importe quelle femme, militante féministe ou non, sait très bien qu’en chaque homme qu’elle rencontre ne sommeille pas un violeur patenté. Nul besoin de lui rappeler quelque chose qu’elle sait déjà. Mais si ce n’est pas tous les hommes, c’est tout de même suffisamment d’hommes pour que la société doive se réveiller. Par ailleurs, ce procès est en train de définitivement battre en brèche l’idée que le viol serait le fait d’une pathologie, d’une monstrueuse anomalie que l’on pourrait circonscrire hors du champ social. Un drame exogène. La faute à pas de chance. Car, en effet, se dit-on, quelle est la probabilité pour que parmi all men, notre route croise précisément celle d’Emile Louis ou de Guy Georges ? Avec cette narration-là, tout le monde peut dormir sur ses deux oreilles et continuer de croire que tout cela ne dépasse pas le cadre d’un épisode de « Faites entrer l’accusé ».
Sauf que ce que #metoo a révélé, et que le procès de Dominique Pélicot achève de démontrer, ce sont la culture du viol et les rapports de dominations patriarcales qui sous-tendent notre société et qui transforment les hommes en loups et les femmes en brebis. Le violeur n’est donc pas une dangereux psychopathe mais un homme ordinaire. C’est parfois un homme célèbre et influent. Ce face à face est violent pour toutes et tous. Comment peut-on continuer à vivre comme ça ?