Depuis la fameuse “quatrième vague” et avec le mouvement #metoo, et malgré une immense visibilité médiatique et sociale, le féminisme, qui pourtant a considérablement changé la vie de nombreuses générations, continue de se traîner une mauvaise réputation. Les féministes seraient sectaires, hystériques, mal baisées… Leur combat serait excluant, violent, frisant parfois le fascisme. Tout se passe comme si une grenade venait d’être dégoupillée, créant un fossé béant entre les hommes et les femmes, qui se regardent maintenant en chien de faïence en attendant qu’elle explose.
De tous les combats qu’il reste à mener, celui de la pédagogie, et notamment auprès des hommes, semble dérisoire et une légère perte de temps au regard des urgences sociétales. Mais le malentendu et les mauvaises interprétations auxquelles se heurtent encore trop souvent les luttes féministes sont aussi incompréhensibles que préoccupantes et méritent qu’on s’y intéresse.
Et qu’on se pose les questions suivantes : pourquoi les femmes seraient-elles les seules à porter la lutte pour l’égalité et la fin des rapports de domination ? Pourquoi seraient-elles les seules garantes de l’égalité au sein du couple, au travail, dans la famille ?
Pas besoin d’expliquer que le féminisme n’est pas une donnée biologique mais un engagement en actes et en pensées. Toutes les femmes ne sont pas féministes et n’importe quel homme peut être féministe s’il décide de s’engager dans cette démarche citoyenne, intellectuelle, affective et professionnelle.
Qu’une femme critique le mouvement féministe (et elle en a le droit), qu’elle en détaille les dérives, qu’elle s’en désolidarise, qu’elle le ridiculise, il n’en reste pas moins qu’elle bénéficie de ses effets et de ses luttes, quand bien même elle voudrait le nier. En 2024, toute la société profite des appels d’air obtenus de haute lutte et dans un grand sacrifice par les militantes que ce soit d’un point de vue intime et politique, sur le plan de la sexualité, de l’éducation, de la place dans l’espace public et professionnel.
Mais qu’en est-il des hommes ? Pourquoi une telle difficulté à participer à la lutte féministe et à s’en revendiquer ? En France et aux Etats-Unis, les hommes sont pourtant plus de 40% à se dire féministe, à commencer par Emmanuel Macron et Joe Biden (lol), mais quelle réalité ces chiffres recouvrent-ils ?
Bien sûr, si vous évoluez dans un milieu de gauche et d’extrême-gauche, il y a fort à parier que vos amis, maris, amants, frères ou collègues seront tout à fait enclin à se dire pro-féministe, certains prononceront même le terme d’“alliés”. Au-delà de la gauche et des mouvements queer, rares sont les hommes prêts à affirmer qu’un monde injuste et violent à l’égard des femmes est une bonne chose. De la même manière, un homme pourra activement réfléchir à sa déconstruction, lire des livres, militer, sans jamais parvenir à renoncer à ses privilèges, tandis qu’un autre incarnera l’égalité dans toutes les dimensions de sa vie personnelle, familiale et professionnelle mais continuera de se montrer très méfiant à l’égard du féminisme auquel il peut même ouvertement refuser d’y être associé. Comment réussir à se défaire du pouvoir ?