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Ce que révèle vraiment l’entrée en prison de Nicolas Sarkozy

Ce que l’on a vu le 21 octobre, ce n’est pas un moment de vérité, mais un spectacle désolant. L’ex-président arrivant dans une voiture aux vitres teintées, escorté comme une star de cinéma, les commentateurs parlant de “dignité”, de “courage” ou de “moment d’histoire”, sans qu’aucun ne rappelle les faits : des faits graves, documentés, jugés, condamnés.

Léa Chamboncel

30 oct.

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Ce que révèle vraiment l’entrée en prison de Nicolas Sarkozy

Ce que l’on a vu le 21 octobre, ce n’est pas un moment de vérité, mais un spectacle désolant. L’ex-président arrivant dans une voiture aux vitres teintées, escorté comme une star de cinéma, les commentateurs parlant de “dignité”, de “courage” ou de “moment d’histoire”, sans qu’aucun ne rappelle les faits : des faits graves, documentés, jugés, condamnés.

Léa Chamboncel

30 oct.

On se souviendra de la journée du 21 octobre 2025 comme d’une journée où l’État de droit a triomphé et où la lutte contre la corruption s’est renforcée dans notre pays. On se souviendra de la journée du 21 octobre 2025 comme d’une journée où l’impunité s’est fragmentée et où l’on a rappelé au monde entier qu’aucun citoyen n’est au-dessus des lois. On se souviendra de la journée du 21 octobre 2025 comme d’une journée où un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, est arrivé en prison suite à sa condamnation pour association de malfaiteurs. Une condamnation prononcée par la 32e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, qui a reconnu Nicolas Sarkozy coupable d’association de malfaiteurs dans l’affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. 

C’est bien ainsi que j’aurais aimé que l’on se souvienne de cette journée. J’aurais aimé qu’elle soit inscrite en ces termes dans notre mémoire collective. Or, ce n’en est rien. 

Ce dont on va se souvenir c’est d’une mise en scène millimétrée où rien n’est laissé au hasard, accompagnée d'une couverture médiatique digne d’un mariage royal. Car les chaînes d’information en continue s’étaient vraisemblablement donné un défi de taille, qu’elles ont réussi à relever sans aucune difficulté : couvrir pendant des heures l’arrivée en prison de l’ancien président de la République sans jamais parler du fond de l’affaire. 

Ce que l’on a vu le 21 octobre, ce n’est pas un moment de vérité, mais un spectacle désolant. L’ex-président arrivant dans une voiture aux vitres teintées, escorté comme une star de cinéma, les commentateurs parlant de “dignité”, de “courage” ou de “moment d’histoire”, sans qu’aucun ne rappelle les faits : des faits graves, documentés, jugés, condamnés.

Mais il faudra aussi se rappeler de cette journée - et de toutes celles qui l’ont précédées depuis la condamnation de Nicolas Sarkozy - comme d’une journée où la justice a été méprisée par des responsables politiques et où la séparation des pouvoirs a été piétinée. Il faudra également se souvenir de cette journée comme d’une journée où le mensonge a réussi à s’imposer dans le récit dominant (porté par de nombreux médias) au point où les faits, ayant abouti à la condamnation de Nicolas Sarkozy, ont soudainement disparu. 

Aujourd’hui encore, le président du tribunal judiciaire de Paris, Peimane Ghaleh Marzban, est obligé de courir les plateaux pour rétablir la vérité et rappeler les raisons qui ont amené à la condamnation de l’ancien président de la République. Un service après vente nécessaire au vu des menaces dont font l’objet les magistrats de son tribunal et de la remise en question de l’autorité judiciaire par une partie de la classe politique. 

Mais est-ce que cette séquence sera l’occasion de parler du racisme et du classisme de notre système pénal ? Est-ce que cette séquence sera l’occasion de parler des conditions de détention en prison dans notre pays ? 

Car en effet, si Nicolas Sarkozy ne s’appelait pas Nicolas Sarkozy et s’il venait d’un quartier populaire, est-ce qu’on parlerait de “conditions dignes de détention” ou de “justice excessive” ? Est-ce qu’on verrait des éditorialistes s’émouvoir sur les plateaux ? On aurait sans doute droit à un récit bien plus sec : celui d’un “délinquant” qui “paie pour ses fautes”. Là où certains voient une injustice, d’autres n’ont jamais eu droit à la moindre clémence. 

La prison en France reste l’un des angles morts du débat public. On parle d’elle quand un puissant y entre, rarement quand des milliers de personnes y survivent dans la promiscuité, la précarité et l’humiliation. Les cellules surpeuplées, les violences, les suicides, les soins insuffisants : tout cela reste hors-champ. Invisibilisé, comme si la souffrance carcérale n’était digne d’intérêt que lorsqu’elle touche un ancien chef d’État. 

Alors peut-être que cette affaire pourrait - ou plutôt devrait - être l’occasion de reparler du fond. De ce que signifie “rendre justice” dans une démocratie. De la manière dont on punit, dont on enferme, dont on juge. Parce qu’une société qui réserve son empathie aux puissants condamne, en silence, tous les autres à l’oubli. 

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