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Palestine : reconnaissance sans action

Il faut le dire clairement : la France n’a pas fait un cadeau aux Palestinien·nes, elle a seulement rattrapé un retard honteux. Désormais, tout dépend de ce qu’elle fera de ce geste. S’il s’agit seulement d’un symbole pour apaiser une partie de l’opinion, ce sera une imposture.

Léa Chamboncel

09 oct.

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Palestine : reconnaissance sans action

Il faut le dire clairement : la France n’a pas fait un cadeau aux Palestinien·nes, elle a seulement rattrapé un retard honteux. Désormais, tout dépend de ce qu’elle fera de ce geste. S’il s’agit seulement d’un symbole pour apaiser une partie de l’opinion, ce sera une imposture.

Léa Chamboncel

09 oct.

Le 22 septembre dernier, Emmanuel Macron a pris la parole à l’Assemblée générale des Nations unies pour annoncer que “la France reconnaît aujourd’hui l’État de Palestine”. Ce geste, présenté comme “historique”, fait entrer la France dans le cercle des pays européens qui se sont décidés à franchir le pas : après l’Espagne, l’Irlande, la Norvège ou la Slovénie, c’est désormais un membre du G7 qui reconnaît la Palestine, et ce n’est pas rien. Mais on peut difficilement s’empêcher de se demander pourquoi cette reconnaissance arrive aussi tard et qu’est-ce qu’elle va réellement changer pour les palestinien·nes qui sont les victimes directes et immédiates d’un gouvernement génocidaire ? 

Déjà rappelons que la reconnaissance de la Palestine n’a rien d’une fantaisie diplomatique, c’est une nécessité juridique et politique. Sur le plan du droit international, la Palestine a déjà rempli les critères d’existence d’un État (population, territoire, gouvernement, capacité d’entrer en relation avec d’autres États). Ce qui manquait, c’était la reconnaissance par ses pairs, indispensable pour peser dans les institutions et défendre ses droits. Aujourd’hui, 147 pays reconnaissent déjà la Palestine. La France arrive donc après la bataille, elle qui aurait dû envoyer ce signal depuis bien longtemps. 

Alors oui, ce geste compte. Mais il serait irresponsable de le célébrer comme une fin en soi. Car que vaut une reconnaissance si elle n’est pas suivie d’actes ? Si la France continue de vendre des armes à Israël, elle se rend complice. Si elle ne nomme pas le génocide, elle cautionne le déni. Si elle refuse de sanctionner un gouvernement qui viole ouvertement le droit international, elle fait de la reconnaissance un drapeau vide, sans contenu. L’Espagne a annoncé des sanctions. La France, elle, reste pour l’instant dans les symboles.

En réalité, cette reconnaissance est le strict minimum. Elle aurait dû arriver avant l’invasion de Gaza, avant les milliers de mort·es, avant que la CIJ et la CPI ne sonnent l’alarme. Elle aurait dû être posée comme une évidence de justice, pas comme une opération diplomatique calculée. Et elle ne dispense pas la France de ses responsabilités : cesser immédiatement les exportations d’armes, soutenir activement les enquêtes de la Cour pénale internationale, faire respecter les décisions de la Cour internationale de justice, garantir la reconstruction de Gaza et le droit des Palestinien·nes à disposer d’eux-mêmes.

Macron dit vouloir “ouvrir le chemin d’une négociation utile aux Israéliens comme aux Palestiniens”. Mais depuis quand les négociations peuvent-elles exister sans justice, sans égalité de droits, sans fin de l’impunité ? Reconnaître un État, c’est bien. Mais tant que la France n’assumera pas de nommer la situation à Gaza pour ce qu’elle est , à savoir un génocide, tant qu’elle ne rompra pas avec l’hypocrisie de ses doubles standards, tant qu’elle n’osera pas isoler Israël diplomatiquement, cette reconnaissance restera une demi-mesure. 

Il faut le dire clairement : la France n’a pas fait un cadeau aux Palestinien·nes, elle a seulement rattrapé un retard honteux. Désormais, tout dépend de ce qu’elle fera de ce geste. S’il s’agit seulement d’un symbole pour apaiser une partie de l’opinion, ce sera une imposture. Mais si cette reconnaissance ouvre la voie à de vraies sanctions, à l’arrêt des ventes d’armes, à la coopération pleine et entière avec les juridictions internationales, alors elle pourra être le début d’un basculement.

En attendant, Israël continue ses offensives, bafoue les ordonnances de la CIJ, menace de représailles diplomatiques contre la France. L’histoire retiendra que la France a fini par reconnaître la Palestine, mais elle retiendra aussi qu’elle l’a fait tard, trop tard, et qu’elle ne s’est pas donné les moyens de faire cesser le génocide quand elle le pouvait. 

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