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Et si le journalisme était un métier du soin ?

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est penser que l’écoute est primordiale et qu’en plus de savoir poser des questions, il est temps d’apprendre à recevoir les réponses. C’est là aussi comme cela que l’on peut aider à renouer la confiance et prouver notre utilité.

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

02 juil.

people having rally in the middle of road
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Et si le journalisme était un métier du soin ?

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est penser que l’écoute est primordiale et qu’en plus de savoir poser des questions, il est temps d’apprendre à recevoir les réponses. C’est là aussi comme cela que l’on peut aider à renouer la confiance et prouver notre utilité.

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

02 juil.

Aujourd’hui je vous fais part de réflexions plus personnelles sur ce métier. Dans ce numéro sur le thème du soin, il me paraissait indispensable d’y inclure le métier de journaliste. Il est vrai qu’il n’est pas naturel de faire ce lien entre information et soin, ou encore entre médias et soin. Avec 90% des cartes de presse situées à Paris et des sièges de médias nationaux qui ont du mal à quitter la capitale malgré toutes les possibilités technologiques à disposition, les rédactions nationales semblent souvent déconnectées des réalités du quotidien. Les « marronniers » tels que l’approche de l’été, les premiers flocons de neige, les galettes des rois et autres poncifs donnent plus de condescendance de d’information, et au mieux une certaine vision du divertissement.

Et si le journalisme était pourtant un métier du soin ? C’est une des questions que pose Nina Fasciaux dans son livre Mal Entendus (Payot, 2024), qui permet notamment de remettre le journalisme à sa place originelle - la médiation. Elle écrit « la part de responsabilité que le journalisme tient dans l’exacerbation du débat public pourrait tout à fait être renversée: le journalisme constitue en effet un formidable vecteur pour faciliter le dialogue et créer du lien, encourager la pensée critique ». On entend souvent dire que « la société est polarisée », « de plus en plus radicale » (n’est-ce pas les féministes?), et pourtant, quand on analyse les choses, la majorité silencieuse est encore là et représente un véritable poids dans la société. 

L’ObSoCo qui a étudié les phénomènes d’exodes et fatigue informationnel·les, a en effet observé que dans les études qu’il publie, il y a bien 20% des Français·es très opposé·es ou très favorables, ce qui signifie bien que 60% des Français·es ne sont ni radicalement opposé·es ni radicalement favorable. Et l’enjeu journalistique est bien d’en rendre compte, de créer du lien et d’en prendre soin. On sait l’enjeu démocratique des élections où il reste tant de voix à convaincre. Entendons-nous, il ne s’agit pas ici de juger ce qui est fait, mais de porter une attention particulière à l’écoute. Si dans l’apprentissage du métier on comprend comment poser des questions et mener des entretiens, on accorde encore trop peu d’importance aux techniques qui permettent de recevoir les réponses. Car oui, cela s’apprend.

C’est une des raisons qui m’amène aujourd’hui à considérer qu’il y a presque autant de journalismes que de journalistes dont la seule ligne rouge serait réellement la déontologie et les atteintes à leurs libertés fondamentales dans leur rôle d’information. Ce texte est un édito ; je me réserve donc le droit de changer d’avis à ce sujet.

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est penser que l’écoute est primordiale et qu’en plus de savoir poser des questions, il est temps d’apprendre à recevoir les réponses. C’est là aussi comme cela que l’on peut aider à renouer la confiance et prouver notre utilité.

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est considérer une interview comme l’apprentissage d’une langue étrangère. La personne que nous avons en face de nous est une personne que l’on ne connaît pas et l’emploi de nos mots n’aura pas la même charge significative pour elle.

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est considérer que le travail repose sur la coopération plutôt que l’information à tout prix (et souvent à toute vitesse). Et voir fleurir les collectifs de journalistes, c’est bien un indice.

Voir le journalisme comme un métier du soin, ce n’est pas « faire un moment » mais, plus humblement, prendre en compte celui qui est déjà là sans causer de disruption. Et c’est peut-être là que se dessine la crédibilité.

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est vouloir complexifier les récits pour répondre à la curiosité des citoyen·nes.  

Voir le journalisme comme un métier du soin, c’est aussi prendre soin de ses sources, leurs récits et comprendre leurs blessures.

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