Aujourd’hui je vous fais part de réflexions plus personnelles sur ce métier. Dans ce numéro sur le thème du soin, il me paraissait indispensable d’y inclure le métier de journaliste. Il est vrai qu’il n’est pas naturel de faire ce lien entre information et soin, ou encore entre médias et soin. Avec 90% des cartes de presse situées à Paris et des sièges de médias nationaux qui ont du mal à quitter la capitale malgré toutes les possibilités technologiques à disposition, les rédactions nationales semblent souvent déconnectées des réalités du quotidien. Les « marronniers » tels que l’approche de l’été, les premiers flocons de neige, les galettes des rois et autres poncifs donnent plus de condescendance de d’information, et au mieux une certaine vision du divertissement.
Et si le journalisme était pourtant un métier du soin ? C’est une des questions que pose Nina Fasciaux dans son livre Mal Entendus (Payot, 2024), qui permet notamment de remettre le journalisme à sa place originelle - la médiation. Elle écrit « la part de responsabilité que le journalisme tient dans l’exacerbation du débat public pourrait tout à fait être renversée: le journalisme constitue en effet un formidable vecteur pour faciliter le dialogue et créer du lien, encourager la pensée critique ». On entend souvent dire que « la société est polarisée », « de plus en plus radicale » (n’est-ce pas les féministes?), et pourtant, quand on analyse les choses, la majorité silencieuse est encore là et représente un véritable poids dans la société.
L’ObSoCo qui a étudié les phénomènes d’exodes et fatigue informationnel·les, a en effet observé que dans les études qu’il publie, il y a bien 20% des Français·es très opposé·es ou très favorables, ce qui signifie bien que 60% des Français·es ne sont ni radicalement opposé·es ni radicalement favorable. Et l’enjeu journalistique est bien d’en rendre compte, de créer du lien et d’en prendre soin. On sait l’enjeu démocratique des élections où il reste tant de voix à convaincre. Entendons-nous, il ne s’agit pas ici de juger ce qui est fait, mais de porter une attention particulière à l’écoute. Si dans l’apprentissage du métier on comprend comment poser des questions et mener des entretiens, on accorde encore trop peu d’importance aux techniques qui permettent de recevoir les réponses. Car oui, cela s’apprend.