“Gueule de bois”… “Cauchemar”… “No Pasaran”… “La jeunesse emmerde le Front National”… “12 millions de fascistes”… depuis 2002, notre vie politique ressemble un peu à celle de Bill Murray dans Le jour le plus long, un éternel recommencement, rendu encore plus déprimant par la caisse de résonance que représentent les réseaux sociaux. Ce dimanche donc, comme tant d’autres depuis des années, le décor était planté et chacun dans son rôle. Nous nous sommes retrouvé·es, entre ami·es (c’est-à-dire ; le plus souvent, entre gens de gauche), pour contempler, dépité·es et angoissé·es, la mine réjouie de Marine Le Pen, le sourire un peu plus grand à chaque dimanche soir. Combien de fois allons-nous rejouer la même scène ? La même indignation ? Le même ras-le-bol ? Les mêmes meetings déconnectés de tout ?
Nombre d’entre nous pourrons peut-être survivre à cette impuissance, à ce sentiment d’être des gigantesques loosers mais pour d’autres la menace est vitale. Pour les personnes racisées et les personnes LGBTQIA+, pour les étrangèr·es, pour le vivant, pour les enfants qui ne votent pas et à qui on impose donc années après années le désastre écologique, économique et social.
Combien de temps encore avant que nous prenions conscience qu’il nous faut drastiquement changer ? Que nos manifestations, nos éditoriaux, nos luttes, nos engagements ne suffisent, de toute évidence, plus à endiguer une force raciste et réactionnaire en marche ?
En sciences politiques, la notion d’efficacité politique renvoie à la confiance que les citoyen·nes confèrent à leur capacité à influer sur les mesures gouvernementales et les affaires publiques. Et le plus souvent, cette confiance est corrélée au degré d’engagement des citoyen·ness dans la société et la vie publique. En France, pour l’instant, nous avons encore la possibilité de manifester (au risque de se faire violenter par les forces de l’ordre), de produire des contenus médiatiques de qualité, de faire grève. Or, même cela ne fonctionne plus…