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Face à l’interminable montée de l’extrême droite, que peut le féminisme politique ?

Nous ne pouvons faire l’économie d’une vraie remise en question. De penser en termes de stratégie, de mode d’action et non plus seulement en termes d’idéologie et en se drapant seulement dans la conviction que nous avons raison.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

09 juil.

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Face à l’interminable montée de l’extrême droite, que peut le féminisme politique ?

Nous ne pouvons faire l’économie d’une vraie remise en question. De penser en termes de stratégie, de mode d’action et non plus seulement en termes d’idéologie et en se drapant seulement dans la conviction que nous avons raison.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

09 juil.

“Gueule de bois”… “Cauchemar”… “No Pasaran”… “La jeunesse emmerde le Front National”… “12 millions de fascistes”…  depuis 2002, notre vie politique ressemble un peu à celle de Bill Murray dans Le jour le plus long, un éternel recommencement, rendu encore plus déprimant par la caisse de résonance que représentent les réseaux sociaux. Ce dimanche donc, comme tant d’autres depuis des années, le décor était planté et chacun dans son rôle. Nous nous sommes retrouvé·es, entre ami·es (c’est-à-dire ; le plus souvent, entre gens de gauche), pour contempler, dépité·es et angoissé·es, la mine réjouie de Marine Le Pen, le sourire un peu plus grand à chaque dimanche soir. Combien de fois allons-nous rejouer la même scène ? La même indignation ? Le même ras-le-bol ? Les mêmes meetings déconnectés de tout ?  

Nombre d’entre nous pourrons peut-être survivre à cette impuissance, à ce sentiment d’être des gigantesques loosers mais pour d’autres la menace est vitale. Pour les personnes racisées et les personnes LGBTQIA+, pour les étrangèr·es, pour le vivant, pour les enfants qui ne votent pas et à qui on impose donc années après années le désastre écologique, économique et social.

Combien de temps encore avant que nous prenions conscience qu’il nous faut drastiquement changer ? Que nos manifestations, nos éditoriaux, nos luttes, nos engagements ne suffisent, de toute évidence, plus à endiguer une force raciste et réactionnaire en marche ?

En sciences politiques, la notion d’efficacité politique renvoie à la confiance que les citoyen·nes confèrent à leur capacité à influer sur les mesures gouvernementales et les affaires publiques. Et le plus souvent, cette confiance est corrélée au degré d’engagement des citoyen·ness dans la société et la vie publique. En France, pour l’instant, nous avons encore la possibilité de manifester (au risque de se faire violenter par les forces de l’ordre), de produire des contenus médiatiques de qualité, de faire grève. Or, même cela ne fonctionne plus…

Que faire alors si nos stratégies collectives dysfonctionnent ? Le féminisme politique peut-il offrir un début de réponse ?

Pour commencer à réfléchir à tout cela, remontons le fil de l’histoire du militantisme féministe où l’on a vu plusieurs fois que l’action directe, non violente, était un outil efficace. Longtemps associée à l’anarchisme et au terrorisme (le militant ou la militante ne serait rien d’autre qu’un poseur de bombe), l’action directe non violente est en réalité une arme politique redoutable, qui consiste à revendiquer un droit et à le défendre sans passer par un intermédiaire institutionnel, pour obliger celles et ceux qui nous dirigent à reconnaître notre désir de justice et donc à modifier les lois. Pour Voltairine de Cleyre, féministe anarchiste de la fin du XIX et début du XXème siècle, “On n’envisage jamais aucune action politique, tant que les esprits assoupis, n’ont pas été réveillés par des actes de protestations directes contre des conditions existantes”. Les exemples, plus ou moins anciens, sont nombreux : les suffragettes, Leymah Gbowee et les femmes libériennes, Carola Rackete qui force l’entrée de son navire dans le port de Lampedusa, Martin Luther King… 

Il ne s’agit pas, bien sûr, de dénier la nécessité qu’il y a aussi à chroniquer ce qui nous arrive, et nous avons, plus que jamais besoin de porte-plumes, d’apporter des éléments de réflexions, de dire notre colère et nos désaccords ne serait-ce que pour supporter tout cela ensemble.

Mais nous ne pouvons faire l’économie d’une vraie remise en question. De penser en termes de stratégie, de mode d’action et non plus seulement en termes d’idéologie et en se drapant seulement dans la conviction que nous avons raison. Comment revoir nos manières d’agir ? Où agir ? Avec qui ? Comment ? Pourquoi y arrivent-ils et pas nous ? Autant de questions que nous allons devoir nous poser…

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