« Qui a envie de les connaître si aucun compagnon ne dépend d’elles ? Si elles ne sont la mère de personne ? La femme de personne ? L’amante de personne ? Si elles ne sont ni célèbres, ni influentes ? » – Nuala O’Faolain, On s’est déjà vu quelque part ?
Ces dernières années, la réflexion féministe a investi le champ des rapports amoureux. Les livres sur la question sont nombreux, Réinventer l’amour de Mona Chollet, Sortir de l’hétérosexualité de Juliet Drouar. On pense aussi au podcast de Victoire Tuaillon, Le cœur sur la table. C’est tout un système qui se déconstruit, les représentations sont en train de changer. Il devient important d’infléchir les effets délétères d’une société capitalisto-patriarcale et de remplacer les stéréotypes qui régissent nos vies intimes et affectives, rarement flatteurs, par un imaginaire plus libre et bien plus en phase avec une société où les liens ne seraient plus ceux de la violence et de la domination.
Et l’on dit oui, oui, faisons la révolution ! Mais dans cette grande réinvention, une figure encore nous résiste, notre petit angle mort : la femme seule.
On envisage de devenir lesbienne, on réinvente l’amour, on sort de l’hétérosexualité, on se lance dans la grande aventure du polyamour. Quelque fois on sacrifie un podcast ou deux à la “vie solo” mais alors, toujours, il faut offrir, en échange du consternant spectacle de notre solitude, la promesse d’une vie toute en fiesta, grande tablée entre ami.e.s, trek ressourçant en Colombie, projet d’écriture. Il faut être une “queen”, une “badass”. Mais affirmer “je suis seule”, “je vis seule” juste ça, sans rien pour le justifier, cela reste encore difficile et sur ce sujet, étrangement et malgré quelques concessions de façade au célibat heureux (forcément !), le milieu féminisme ne semble guère plus dégourdi qu’une dame cathé.