Le 5 octobre 2017, les accusations de viol à l’encontre du producteur de cinéma Harvey Weinstein font le tour du monde grâce à Twitter. C’est sur cette plateforme en effet que naît le mouvement #metoo (lancé en 2007 par l’activiste afro-américaine Tarana Burke pour dénoncer les violences dont sont victimes les femmes afro-américaines). La profusion des récits qui depuis tous les coins du monde affluent sur les réseaux sociaux montre l’ampleur d’un phénomène qui ne se réduit bien évidemment pas à Hollywood et au milieu du cinéma mais contamine la vie des femmes dans toutes ses dimensions, à la maison, à l’école, au travail, dans les transports.
Cette éruption de témoignages et le choc que cela a constitué pour l’ensemble de la société a mis en lumière une certaine incapacité à traiter publiquement et ensemble la question des violences sexuelles et sexistes (VSS). Comment se fait-il que nous ayons été si peu informé·es, si peu sensibilisé·es ? Plus de cinq ans après, le décalage entre l'importance culturelle et sociale de #metoo et l’intervention des pouvoirs publics reste encore énorme : les VSS ne reculent pas et les moyens ne sont pas mis en oeuvre par l’État. Plus de 80% des plaintes déposées sont classées sans suite et sur ces 80% seules 1% aboutissent à une condamnation judiciaire. Les raisons de ces chiffres sont liées à la difficulté qu’ont les victimes à prouver les violences, mais aussi aux principes d’impartialité et de contradictoire ainsi qu’à la présomption d’innocence. Sans même parler du mythe de la femme vengeresse face à l’homme innocent traîné dans la boue dont on sait qu’il continue de hanter tous les imaginaires.
Dans ces circonstances, il est important d’interroger le rôle des médias et la manière dont ils se sont emparés de ce problème, l’idée n’étant pas seulement de dénoncer des publications mais de sonder leur rôle à la fois négatif et positif, puisque si leur responsabilité est grande dans l’invisibilisation et à la minimisation de ces violences, ils peuvent aussi prendre leur part dans la sensibilisation et dans la prévention de ces violences. Les choses ont beaucoup évolué dans les rédactions depuis #metoo. À commencer par l’utilisation systématique des termes “féminicides” et “violences conjugales” qui remplacent le “drame passionnel” autrefois largement répandu et dont le but était à la fois de minimiser les faits, d’en nier le caractère systémique et la pluralité des violences commises. En somme, les violences étaient toujours de même nature : un mari malheureux, parfois alcoolique, qui malencontreusement tue sa femme dans un accès de démence dictée, donc, par la passion. Pas de pluralité dans le profil des agresseurs, pas de pluralité dans la nature des violences dont on sait qu’elles peuvent être de multiples natures : physiques, verbales, psychologiques, sexuelles, administratives et économiques.