C’était un fait établi : longtemps, les femmes ont été moins enclines que les hommes à voter pour les droites populistes. Selon la chercheuse Nonna Mayer, c’est en partie lié à des différences de statut socio-professionnel entre les hommes et les femmes. Le gros de l’électorat d’extrême droite se retrouve chez les ouvriers qui se considèrent comme “les grands perdants de la mondialisation”. Les femmes, parce qu’elles exercent des métiers moins manuels, seraient moins exposées à ce sentiment de déclassement. La circulation des idées féministes expliquerait aussi la réticence des femmes, surtout les plus jeunes, à voter pour des partis véhiculant une image traditionnaliste de la femme et de la vie de famille. Chez les femmes plus âgées, Nonna Mayer pointe l’influence de la religion, les propos outranciers et les idées peu charitables véhiculées par les représentants de l’extrême droite qui sont en effet assez loin des préceptes de l’évangile qui prône d’aimer son prochain comme soi-même…
Pendant longtemps, cette différenciation entre les hommes et les femmes, que l’on appelle en anglais le “Radical Right Gender Gap”, était un phénomène notoire en France. Lors des élections présidentielles de 1995, l’écart de point entre les hommes et les femmes votant Front National était de 7 points. Pour les élections présidentielles de 2012, la première avec Marine Le Pen comme candidate, ce différentiel est parfaitement comblé et l’on observe même lors de l’élection présidentielle de 2017 une inversion de la tendance chez les 18-24 ans où plus d’un tiers des femmes ont voté pour la candidate du Rassemblement National. Entre les élections européennes de 2019 et celles de ce mois de juin, le RN a gagné 10 points dans l’électorat passant de 20% à plus de 30% et selon un sondage Ifop les femmes ont voté à 32% pour la liste de Jordan Bardella contre 31% pour les hommes.