C’est en octobre 2017, alors que sont rendues publiques les enquêtes visant le producteur Harvey Weinstein, que nous découvrons le mouvement #metoo qui voit des personnes dénoncer les violences sexuelles dont elles sont victimes. Si le hashtag existe depuis déjà 2007, à l’initiative de Tarana Burke pour dénoncer les violences dont sont victimes les femmes racisées, 2017 marque une ampleur inédite et irréversible, le début d’une prise de conscience majeure : dans la plupart des milieux socio-professionnels, les femmes ne sont pas totalement en sécurité. Depuis le cinéma, en passant par le journalisme, l’église, l’enseignement supérieur, l’édition etc., les accusations pleuvent et, avec plus ou moins de succès et de bonne volonté, des mesures sont prises.
En février 2020, deux ans et demi après le début de la vague #metoo, dans un livre intitulé Un si long silence, la patineuse Sarah Abitbol dénonce le viol qu’elle a subi de la part de son entraîneur Gilles Beyer, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Les faits sont prescrits et il ne peut y avoir de condamnation, mais l’enjeu est de briser le silence et la dénonciation provoque en effet un raz-de-marée dans un milieu réputé pour son entre-soi. « Omerta », tel est le terme qu’emploie régulièrement la presse au sujet du milieu du sport où les abus sont nombreux. Les sportif·ves commencent en effet souvent leur carrière très jeunes, dans des centres d’entraînements loin de leur famille. Les relations qu’iels entretiennent avec leurs entraîneurs sont souvent déséquilibrées, dans une quotidienneté qui favorise des formes d’aliénation et de dépendance. Dans les fédérations plus petites, et dans la pratique du sport en amateur, le personnel encadrant est souvent constitué des bénévoles, pas ou peu formé·es à l’encadrement de jeunes enfants, leur recrutement ne fait l’objet d’aucune vérification. Des psychologues pointent aussi un état d’esprit où le culte de la performance physique, le rapport à la souffrance du corps, empêchent les victimes de se considérer comme telles.