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#Metoo sport, on en est où ?

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

09 juil.

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#Metoo sport, on en est où ?

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

09 juil.

C’est en octobre 2017, alors que sont rendues publiques les enquêtes visant le producteur Harvey Weinstein, que nous découvrons le mouvement #metoo qui voit des personnes dénoncer les violences sexuelles dont elles sont victimes. Si le hashtag existe depuis déjà 2007, à l’initiative de Tarana Burke pour dénoncer les violences dont sont victimes les femmes racisées, 2017 marque une ampleur inédite et irréversible, le début d’une prise de conscience majeure : dans la plupart des milieux socio-professionnels, les femmes ne sont pas totalement en sécurité. Depuis le cinéma, en passant par le journalisme, l’église, l’enseignement supérieur, l’édition etc., les accusations pleuvent et, avec plus ou moins de succès et de bonne volonté, des mesures sont prises.

En février 2020, deux ans et demi après le début de la vague #metoo, dans un livre intitulé Un si long silence, la patineuse Sarah Abitbol dénonce le viol qu’elle a subi de la part de son entraîneur Gilles Beyer, alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente. Les faits sont prescrits et il ne peut y avoir de condamnation, mais l’enjeu est de briser le silence et la dénonciation provoque en effet un raz-de-marée dans un milieu réputé pour son entre-soi. « Omerta », tel est le terme qu’emploie régulièrement la presse au sujet du milieu du sport où les abus sont nombreux. Les sportif·ves commencent en effet souvent leur carrière très jeunes, dans des centres d’entraînements loin de leur famille. Les relations qu’iels entretiennent avec leurs entraîneurs sont souvent déséquilibrées, dans une quotidienneté qui favorise des formes d’aliénation et de dépendance. Dans les fédérations plus petites, et dans la pratique du sport en amateur, le personnel encadrant est souvent constitué des bénévoles, pas ou peu formé·es à l’encadrement de jeunes enfants, leur recrutement ne fait l’objet d’aucune vérification. Des psychologues pointent aussi un état d’esprit où le culte de la performance physique, le rapport à la souffrance du corps, empêchent les victimes de se considérer comme telles.

Suite aux révélations de Sarah Abitbol, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a aussitôt mis en place, et ce dès février 2020, plusieurs actions. Notamment, la mise en place d’une cellule chargée de traiter les signalements de violences, sexuelles et psychologiques. Au 31 décembre 2021, la cellule recensait 655 personnes incriminées et 610 affaires (source Le Monde). Les chiffres, édifiants, mettaient aussi en avant le caractère pédocriminel de ces violences, puisque 84% des victimes ont en dessous de 18 ans. Toujours à la date du 31 décembre 2021, 69% des affaires ouvertes depuis février 2020 et la mise en place de la cellule étaient closes et avaient conduit à 67 interdictions d’exercer et 23 radiations définitives. Les chiffres montraient aussi que tous les sports étaient touchés puisque 48 des 115 fédérations étaient concernées.

Entre autres actions, le ministère a aussi incité les fédérations à signer des conventions avec des organisations de protection de l’enfance, afin de mieux encadrer et protéger les jeunes sportifs et sensibiliser le personnel encadrant.

Dans le même ordre d’idée, un « contrôle d’honorabilité » a été mis en place pour le recrutement des bénévoles, avec vérification des antécédents judiciaires.

Le #metoo sport, par la rapidité des réponses apportées, apparaît comme un exemple d’efficacité. Probablement à cause de son ampleur et compte tenu du fait que le chantier était particulièrement immense. Bien avant Sarah Abitbol, d’autres sportives avaient dénoncé les violences dont elles étaient victimes, notamment la joueuse de Tennis, Isabelle Demongeot, qui dans son livre Service volé, avait dénoncé les viols de son entraîneur Régis de Camaret. Publié en 2007, l’affaire avait fait grand bruit au point que Roselyne Bachelot, alors ministre de la Jeunesse et des Sports avait lancé un plan de lutte contre les violences sexuelles.

Si l’on peut saluer ces entreprises et s’en réjouir, tout cela reste en surface, une manière de circonvenir en urgence à des scandales d’autant plus honteux qu’ils auraient pu être évités si les femmes avaient été écoutées. Une solution nous apparaît plus solide : celle de l’inclusivité. Comment espérer que les choses changent, si les femmes restent à ce point peu représentées dans les fédérations sportives ? Comment espérer que les choses changent quand les sportives restent moins bien payées, moins considérées, moins visibles dans les médias que les sportifs ? Il faut plus de femmes, plus d’inclusivité, plus de féminisme dans le sport pour que les choses changent vraiment et en profondeur ! 

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