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Où sont les enfants ? 

Nous vivons dans une société qui survalorise la famille et la maternité, où les enfants sont pensé·es comme une possession, mais qui peine à leur laisser de la place, à les entendre et à les considérer autrement que dans un rapport d’autorité et de domination.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

27 janv.

four children standing on dirt during daytime
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Où sont les enfants ? 

Nous vivons dans une société qui survalorise la famille et la maternité, où les enfants sont pensé·es comme une possession, mais qui peine à leur laisser de la place, à les entendre et à les considérer autrement que dans un rapport d’autorité et de domination.

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

27 janv.

Commençons par quelques chiffres (édifiants) :

  • Chaque semaine, en France, 1 enfant meurt sous les coups de ses parents.
  • 24% des Français·es de plus de 18 ans estiment qu’ils ont été victime de maltraitance durant leur enfance.
  • 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles dont 77 % au sein de la famille (chiffres à date de 2021).
  • Les enfants en situation de handicap ont un risque 2,9 fois plus élevé d’être victime de violences sexuelles.
  • En 2021, 13% des femmes et 5,5% des hommes disent avoir subi des violences sexuelles dont 4,6% des femmes et 1,2% des hommes disent avoir subi des violences incestueuses.
  • 1 enfant sur 7 est victime de violence dans le sport.
  • 31% des parents estiment que leurs enfants sont victimes de cyber-violence.
  • Entre 6, 7% des élèves sont victimes de harcèlement scolaire (source : secrétariat d’État chargé de l’enfance).
  • En 2021, France Terre d’Asile faisait état de 11 315 mineurs isolés étrangers sur le territoire français, les chiffres de 2023 avoisineraient les 15 000.

C’est sans doute à cause de ces chiffres accablants que la lutte contre les violences faites aux enfants a été érigée en priorité par la première Ministre lors du comité interministériel du 20 novembre 2022. Les mesures évoquées, que l’on peut trouver en détails ici, comprennent notamment : le déploiement des actions éducatives de prévention à grande échelle pour sensibiliser les adultes et les enfants sur les différentes formes de violences, l'accompagnement renforcé des mineurs victimes dans les procédures judiciaires, la formation des professionnels, pour renforcer leur capacité à détecter et signaler les situations de violence, etc. Toutes ces intentions sont belles et bonnes et il est toujours rassurant de se dire qu’au moins le sujet est dans toutes les têtes, mais que veulent dire ces annonces quand on sait la crise traversée par l’Aide sociale à l’enfance, les centres de Protections Maternelles et Infantiles, quand on sait que les travailleurs sociaux et les médecins travaillent dans des conditions catastrophiques ? 

Car si nous avons besoin d’agir et d’agir vite, c’est aussi tout le rapport que nous entretenons avec l’enfance et les enfants que nous devons interroger. Dans un post instagram extrêmement relayé, et dans lequel elle rebondissait sur la question de la création des espaces sans enfants dans les lieux publics et les transports, la militante féministe, Douce Dibondo a posé avec beaucoup de justesse le paradoxe dans lequel nous nous trouvons. Une société qui survalorise la famille et la maternité, les enfants sont pensé·es comme une possession, mais qui peine à leur laisser de la place, à les entendre et à les considérer autrement que dans un rapport d’autorité et de domination. Elle établit notamment un lien très intéressant entre les sociétés coloniales et le contrôle des corps sur les plus faibles comme outil d’oppression. 

Avant même d’enchaîner les effets d’annonce et les numéros vert, il serait sans doute judicieux de se demander pourquoi nous privilégions toujours les droits des adultes sur les droits des enfants et pourquoi le rapport que nous entretenons avec elleux est toujours celui de l’autorité, le but étant avant tout pour le législateur, l’homme politique, le parent, le professeur, de savoir si cette autorité est fonctionnelle ou non. Les révoltes de 2023, qui ont fait suite à l’assassinat d’un adolescent de 17 ans par un fonctionnaire de police, ont été très révélatrices de cet état de fait. Plus d’1/3 des inculpé·es étaient des mineur·es ce qui a donné lieu à un débat, mené par le président Emmanuel Macron lui-même sur l’absence d’autorité des familles, et l’absence de projet politique sous-tendant cette colère, car c’est bien connu, l’enfant n’a pas d’autres avis à avoir que celui de s’adapter en permanence au bon vouloir des adultes. Pire, ce débat autour de l’absence d’autorité des familles, laisse affleurer une idée, vieille comme le monde, selon laquelle les enfants en danger seraient en réalité des enfants dangereux pour la société dans laquelle ils vivent. Le monde à l’envers. 

Le féminisme, l’écologie, la lutte décoloniale sont autant de grands mouvements sociétaux qui nous aident à penser les violences et les discriminations, à nous organiser politiquement afin d’accéder à un monde plus juste. De tous ces combats, malgré tout, les enfants sont souvent oublié·es. Toutes et tous, qui avons été des enfants, nous devons garder cela en tête, ce n’est plus aux enfants de s’adapter à notre monde, mais à nous de les remettre au centre. 

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