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Une histoire d’amour et de haine… 

Il aurait été illusoire de penser que le féminisme échapperait au piège dans lequel tout le monde est susceptible de tomber. Comme la télévision avant eux, les moyens de communication et de circulation des informations portent en eux le meilleur comme le pire, c’est ainsi. 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

21 mars

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Une histoire d’amour et de haine… 

Il aurait été illusoire de penser que le féminisme échapperait au piège dans lequel tout le monde est susceptible de tomber. Comme la télévision avant eux, les moyens de communication et de circulation des informations portent en eux le meilleur comme le pire, c’est ainsi. 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

21 mars

Dans son essai “Féminisme et réseaux sociaux, une histoire d’amour et de haine”, publié aux Editions Hors d’atteinte, l’autrice et militante Elvire Duvelle-Charles décortique les liens à la fois essentiels à la lutte mais aussi extrêmement complexes qui unissent le combat féministe et les réseaux sociaux et dont elle dit que c’est “une histoire d’amour ouvrant tous les possibles, une histoire de vies sauvées, mais aussi une histoire de haine.” À l’heure où nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes, il nous a semblé important chez Popol de nous concentrer sur les effets des réseaux sociaux et du numérique dans la lutte féministe et dans la création d’un mouvement international structuré.

Il ne fait aucun doute que les réseaux sociaux ont joué un rôle fondamental dans la quatrième vague féministe, on pourrait même dire que Twitter et Instagram en sont les premiers instigateurs. Partout dans le monde, même à des milliers de kilomètres de distance, même sans la moindre visibilité médiatique, des femmes ont commencé à se faire entendre et surtout à se fédérer. La vague #metoo qui a débuté en 2017 dans le sillage de l’affaire Weinstein, en est un exemple éclatant. Impossible d’endiguer ce flot de témoignages, impossible de faire comme si ça n’existait pas. Isolées, écartées des lieux de pouvoir depuis toujours, écartelées entre les mille vies que le patriarcat leur impose, les femmes et les militantes ont trouvé dans la puissance des réseaux sociaux la possibilité de prendre la parole et d’être enfin visibles. La puissance fédératrice des réseaux sociaux est un atout de poids pour la mobilisation féministe, depuis des contingences techniques comme les appels à manifestation, les comités de soutien, en passant par des espaces d’échanges et de discussions… Ce pourrait être un outil incroyable dans la création d’un vaste mouvement de grève féministe par exemple.

Les réseaux sociaux sont aussi un excellent moyen de s’éduquer, de piocher des informations, notamment pour les jeunes générations et pour toutes celles et ceux qui n’ont pas forcément accès aux bibliothèques et aux universités.

Grâce à instagram, on crée, on s’entraide, on se lance, on apprend à se connaître et on se sent moins seul·es…

Enfin, pas forcément. On pourrait presque dire que les réseaux sociaux sont à la fois la grâce et la malédiction du mouvement féministe. En effet, s’ils représentent une incroyable aubaine et une multiplication des possibilités, ils sont aussi le lieu d’une violence incroyable. Chaque militante le sait et l’a expérimenté, les attaques, les menaces et le harcèlement sont monnaies courantes. Un tweet, une story et la violence se déchaîne. Bien planqués derrière leurs écrans, les trolls opèrent en une meute parfois extrêmement bien organisée. On ne compte plus les militant·es qui ont jeté l’éponge, épuisé·es par toutes ces attaques.

Mais la violence n’est pas seulement le fait des Incells et autres masculinistes 2.0. Si les réseaux sociaux ont permis aux féministes de mieux se connaître et de mieux se coordonner, c’est aussi une pratique qui isole. Chacune et chacun se retranche derrière son ordinateur, persuadé·e de détenir la vérité du féminisme. On se sent pousser des ailes, on se paie de mot, on se gargarise d’émojis cœurs et de messages de soutien qui nous donne alors l’impression d’être aimé·e et d’avoir raison sur tout. Enfermé·es dans nos chapelles numériques, tous les liens finissent par se déliter, l’histoire du féminisme, les enseignements transgénérationnels se perdent dans une pureté militante délétère. Paradoxalement, le travail collectif se dissout dans une espèce de culte de la personnalité où chacune et chacun vient chercher une validation et une valorisation de soi…

Il aurait été illusoire de penser que le féminisme échapperait au piège dans lequel tout le monde est susceptible de tomber. Comme la télévision avant eux, les moyens de communication et de circulation des informations portent en eux le meilleur comme le pire, c’est ainsi. Bien sûr, on peut réfléchir à une meilleure utilisation de ces outils, c’est même indispensable, mais les grands scandales et les tempêtes dans un verre d’eau qui agitent les espaces féministes numériques doivent surtout nous alerter sur la manière dont nous voulons penser le féminisme et nos combats. Se repose alors la question de l’organisation et de nos modes d’action. Est-ce qu’on veut dépenser plus de cinq minutes de notre temps à commenter une photo de Victoire Tuaillon et Finkelkraut ou est-ce qu’on veut poser les bases d’une gigantesque grève féministe ? La question peut paraître caricaturale et injuste, mais c’est littéralement en ces termes-là qu’elle se pose. Les réseaux sociaux sont un outil et non pas un lieu, et la lutte féministe est un combat collectif et inclusif qui se nourrit d’une histoire ancestrale qui n’a pas attendu Instagram pour prouver son efficacité et sa puissance… 

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