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Au Japon, elles sont les grandes oubliées

Sous titre

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

23 juin

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Au Japon, elles sont les grandes oubliées

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Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

23 juin


On ne se défait pas comme ça de l’héritage du système patriarcal de l’ère Meiji (1868-1912), cette période qui a mis fin à l’ère féodale et lancé celle de la modernisation avec le mot d’ordre « esprit japonais et méthodes occidentales ».

Aujourd’hui, le Japon détient l’un des pires records des pays de l’OCDE en ce qui concerne les familles monoparentales. Plus de la moitié d’entre elles vit sous le seuil de pauvreté, loin devant les États-Unis (33,5%). D’après le projet Borgen, une ONG américaine qui combat la pauvreté, la cause principale des difficultés pour les familles monoparentales au Japon repose notamment sur la forte pression de la société.

Le temps s’est-il arrêté ?

Il est largement attendu et courant que les femmes abandonnent leur carrière et restent à la maison pour éduquer leurs enfants. C’est le cas pour environ 70% des femmes japonaises. Le concept de garde partagée n’existe d’ailleurs que pour les couples mariés. En cas de divorce, il est fréquent que l’ex-conjoint, qui n’a pas la garde de son enfant, ne soit même pas autorisé à le.la voir, ne fût-ce qu’un week-end. Souvent, il n’est pas possible de le.la voir jusqu’à sa majorité.

Après un divorce – qui concerne aujourd’hui 1 couple sur 3 – les femmes japonaises deviennent les seules à subvenir aux besoins de leur famille. Le Japon compte aujourd’hui 1,23 million de familles monoparentales gérées par des femmes seules. Pourtant, même si le divorce est plus courant au sein de la société, la stigmatisation liée à la séparation est encore très forte, allant jusqu’à décourager les mères en difficulté d’accepter les prestations publiques. Résultat : seulement 200 000 des 3,5 millions enfants éligibles ont reçu l’aide financière à laquelle ils ont droit.

Les femmes assument de plus en plus de responsabilités économiques alors que moins de la moitié d’entre elles reçoivent une pension alimentaire ou une pension alimentaire pour enfants. C’est ce qui conduit directement à la pauvreté des familles monoparentales gérée par les femmes, d’autant plus que depuis 2003, le gouvernement a réduit les allocations et ajouté des limites de revenu et de durée aux prestations.

“Womenomics”

Devant cet état de fait, le travail des femmes isolées est crucial pour elles. Pour rompre avec l’isolement et pour subvenir à leurs besoins. Pourtant, il n’est pas encouragé. D’abord, le Japon reste une société où le travail des femmes est difficilement mis en valeur. Avec un écart salarial de 30% entre femmes et hommes au même poste, les stigmates de la société patriarcale sont bien présents. Même quand il s’agit de pallier le manque de main d’œuvre dans le pays, la promotion du travail des femmes est limitée. Ainsi, l’ancien premier ministre Shinzo Abe (2012 – 2020) a développé sa stratégie de “womenomics” (qui relève de la contraction entre “women” et “economics”) qui compte sur la main d’œuvre féminine pour redynamiser son économie et de fait, de 50% en 2015, les femmes étaient 52,7% à travailler en 2019. En 2015, Shinzo Abe s’était aussi engagé à ce que les femmes représentent 30 % des postes de direction d’ici 2020. Mais après huit années de mandat, les femmes ne représentaient que 15 % des postes de direction. Depuis que Suga Yoshihide a été élu Premier ministre en septembre 2020, cet objectif de 30 % a été repoussé à 2030…

Ensuite, le travail des femmes est précarisé et la situation pour les mères isolées ne fait que s’empirer. Dans les faits, elles sont généralement en mesure d’obtenir un emploi à temps partiel et peu rémunéré. Elles occupent ainsi la majorité des emplois temporaires (environ 56%), qui sont en général rémunérés 60% de moins qu’un emploi salarié, les faisant généralement tomber sous le seuil de pauvreté. Quand on le leur demande, 80% des mères isolées à Tokyo admettent que les fins de mois sont rudes. Alors oui, le combat pour le bien-être des familles monoparentales et les parents isolés doit être une cause féministe car elle est avant tout humaniste. Il en va de l’égalité des conditions et des chances de millions d’enfants.

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