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De quoi l’affaire Bétharram est-elle le nom ?

Ce que ces affaires à répétition révèlent c’est une véritable faillite collective : celle d’institutions qui ont trahi leur mission, celle de responsables politiques qui ont fermé les yeux, et celle d’un système éducatif qui, parfois, reproduit les logiques d’emprise au lieu de libérer.

Léa Chamboncel

07 avr.

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De quoi l’affaire Bétharram est-elle le nom ?

Ce que ces affaires à répétition révèlent c’est une véritable faillite collective : celle d’institutions qui ont trahi leur mission, celle de responsables politiques qui ont fermé les yeux, et celle d’un système éducatif qui, parfois, reproduit les logiques d’emprise au lieu de libérer.

Léa Chamboncel

07 avr.

Le 5 octobre 2021, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) rend son rapport après deux ans d’enquête. Les résultats de son travail, d’où sont issues les 548 pages du rapport précité, sont accablants : entre 216 000 et 330 000 personnes mineures ont été victimes de violences sexuelles commises par des prêtres, diacres, religieux ou laïcs en mission ecclésiale depuis 1950. 

Dans les témoignages recueillis par la CIASE, de nombreux anciens élèves d’écoles privées catholiques (dont certaines dirigées par des congrégations religieuses) ont raconté avoir subi des abus sexuels, des humiliations, et des violences physiques. La CIASE pointe les établissements scolaires, internats, patronages et mouvements de jeunesse catholiques comme des lieux particulièrement propices aux abus, notamment parce qu’ils mettent les enfants sous l’autorité directe de figures religieuses (prêtres, frères, éducateurs) et parce que ces institutions fonctionnent dans une culture du silence, du respect absolu de l’autorité religieuse, et où il n’existe aucun espace sécurisé pour recueillir la parole des enfants. 

En outre, le rapport dénonce l’inaction des hiérarchies locales et nationales, qui ont souvent couvert les auteurs ou déplacé les agresseurs d’un établissement à un autre, sans alerter la justice ou les familles. Dans certains cas, les évêques ou supérieurs religieux étaient informés des abus dans les écoles ou pensionnats, mais n’agissaient pas ou minimisaient les faits. 

Plus récemment, lors de son audition par les membres de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, le président de la CIASE, Jean-Marc Sauvé, a souligné que “près d’un tiers des abus sexuels dans l’Église catholique se sont produits dans des établissements scolaires – internats et externats”. Face à ces éléments, il est légitime d’affirmer que le problème est systémique. 

Quelques semaines plus tard, c’est François Bayrou, premier ministre, qui était auditionné par la même commission d’enquête. Une audition qui était grandement attendue compte tenu du rôle qu’il aurait pu (du) ou n’a pas joué dans l’affaire Bétharram et des violences commises sur des centaines d’enfants dans cet établissement catholique que connaît bien le chef du gouvernement. Car en effet, comme le révèle Mediapart dans un article publié le 5 février dernier, le premier ministre aurait menti pour couvrir l’établissement scolaire alors qu’il aurait été alerté sur des violences à plusieurs reprises… 

Alors de quoi cette énième “affaire” est-elle le nom ? 

Elle est le nom de la domination, de la violence et d’une obsession pour l’autorité et le mépris. Mais elle est aussi le nom du mensonge, érigé comme élément central d’une omerta institutionnalisée et systémique. Enfin, et disons le clairement, elle est aussi le nom d’une certaine classe politique, qui tout en s’érigeant en grande défenseuse de la laïcité, est prête à tout pour défendre l’institution catholique. 

Et protéger les enfants ne devrait jamais être un vœu pieux, encore moins un combat à géométrie variable. Ce que ces affaires révèlent c’est une véritable faillite collective : celle d’institutions qui ont trahi leur mission, celle de responsables politiques qui ont fermé les yeux, et celle d’un système éducatif qui, parfois, reproduit les logiques d’emprise au lieu de libérer. Il est urgent de cesser de considérer l’éducation comme un simple lieu de transmission ou de discipline, pour en faire enfin un espace d’émancipation et de respect. Face aux silences, aux violences, aux complicités, c’est une responsabilité qui nous incombe à tout·es : celle d’exiger que l’école, publique ou privée, confessionnelle ou non, soit un rempart contre les dominations, jamais leur théâtre.

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