Lorsque j’ai écrit mon premier ouvrage sur la place des femmes en politique, j’ai eu l’opportunité d’interviewer Edith Cresson. À l’époque elle détenait encore le titre de seule femme à avoir été première ministre en France. Lors de notre entretien, nous avons parlé ensemble du sexisme en politique, elle est aussi longuement revenue sur l’horrible traitement médiatique qui lui a été réservé pendant son passage à Matignon et elle m’a confié une chose qui m’a surprise. Quand je lui ai demandé, à elle qui avait été à la tête du gouvernement de l’un des pays considéré comme “important” sur la scène internationale, à quel moment elle avait eu le sentiment d’avoir eu du pouvoir, elle m’a répondu : jamais. Puis, après quelques secondes de réflexion, elle est revenue sur ce “jamais” pour préciser son propos “En fait si, une fois : lorsque j’étais élue locale”.
“Élues locales”, cette expression qui désigne les femmes qui occupent des responsabilités politiques au niveau des communes, des régions, des départements, ou encore dans les intercommunalités. Elles ne sont pas nécessairement présentes dans des territoires ruraux, mais c’est d’elles dont j’aimerais vous parler dans cet article. Edith Cresson était elle élue locale dans un territoire rural puisqu’elle était maire de Thuré, une commune du Centre ouest de la France située dans la Vienne.
En 2022, les femmes représentaient 41,5 % de l’ensemble des élu·es locaux·ales. Une progression lente mais continue, qui masque encore d’importants déséquilibres dès qu’on regarde dans le détail. Elles sont par exemple seulement 19,8 % à occuper la fonction de maire, un chiffre en hausse par rapport à 2014 (16,1 %), mais qui reste désespérément bas. Plus on monte dans la hiérarchie, plus la place des femmes se réduit : elles sont à peine 11,8 % à présider une intercommunalité, contre près de 88 % d’hommes à ces postes. On retrouve ce déséquilibre aussi dans la répartition des adjoint·es : elles représentent 33 % des premier·es adjoint·es, 42 % des deuxièmes, et 45 % des autres. Les chiffres le montrent bien : les femmes sont là, mais pas encore tout à fait là où se prennent les décisions les plus structurantes.