Les décryptages des programmes politiques concernant l’écologie et le climat émergent tout juste alors que la course à la présidence a commencé il y a des mois. Comme si ces sujets étaient à traiter en annexe d’une plus grande ambition ou étaient une variable d’ajustement des analyses. Ce constat se retrouve dans toutes les dernières élections d’ordre mondial ; même les élections européennes, généralement favorables au portage des questions environnementales, n’ont pas fait figure d’exception cette année. Mais, les raisons américaines sont plus complexes qu’une simple question de programme.
Il n’est pas remis en question que l’élection de Trump serait une catastrophe pour la lutte contre le changement climatique, on a eu un goût amer pendant 4 ans de son climato-négationnisme. Néanmoins, si Harris gagne, il n’est pas plus sûr que cela changera la donne actuelle. Car les mécanismes d’actions américaines freineront toutes politiques ambitieuses environnementales. Ceci pour 3 raisons : une approche étatique discutable, une Cour Suprême conservatrice ou encore, la dualité entre le local et le fédéral.
Tout d’abord, il faut comprendre que l’action fédérale étasunienne de la lutte contre le changement climatique, qu’elle soit démocrate ou républicaine, s’articule en priorité autour du capitalisme énergétique. Plus que de remettre en question le consumérisme américain des ressources naturelles ou des biens, que de favoriser la sobriété et la protection, l’action politique passe par des grands plans d’investissement, ciblés essentiellement sur les énergies renouvelables ou les technologies de compensation (ex : usine de captation de carbone). Étant le second émetteur mondial de gaz à effet de serre, il est indispensable que le pays accélère sa trajectoire de décarbonation. Cependant, le grand plan climatique de Biden, approuvé dans la douleur en 2022 par le congrès américain, montre bien que même avec une majorité de gauche, la lutte climatique n’est pas une priorité. En effet, l’aile droite des démocrates est peu encline à froisser ses donateurs dont la fortune est issue des énergies fossiles et pouront continuer de faire blocage, encore plus sous Harris. C’est ce qu’il s’est passer sur la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) qui doit revitaliser le système énergétique américain en investissant dans les chaînes d’approvisionnement énergétiques américaines, la création d’emplois dans le secteur de l’énergie propre, la réduction des émissions et les économies d’énergie des consommateurs. Cependant, il faut être honnête, l’IRA doit surtout consolider la souveraineté énergétique et industrielle, conséquence de la guerre en Ukraine et plus largement de l’atmosphère belligérante mondiale. La menace de crise énergétique inquiète plus que le réchauffement climatique, problème pourtant bien plus destructeur. Cette quête de souveraineté, ajoutée à la création d’emplois, contribue à rendre la question de la transition énergétique moins partisane. À l’origine peu favorables au plan Biden, les Républicains cherchent maintenant à bénéficier de cet investissement et en faire leur étendard écologiste, car les sommes en jeu sont considérables : 370 milliards de dollars d’investissement pour cette industrie de l’énergie, encore des milliers de milliards dans le futur. Rappelons quand même, qu’aujourd’hui, les énergies fossiles demeurent largement dominantes aux États-Unis dans la production d’électricité (60 % en 2021), qui représente un quart des émissions de gaz à effet de serre du pays. Le pays, loin de vouloir se passer des sources d’énergie fossiles, continue de les développer : grâce aux hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste), ils sont le premier producteur mondial de pétrole. Le pays consomme d’ailleurs à lui seul 20 % du pétrole mondial. La transition énergétique du pays vers des énergies renouvelables est donc à nuancer, puisqu’elles ne représentent que 9 % de la consommation énergétique nationale [i]. Les conservateurs, républicains ou démocrates, toujours coincés dans la pétromasculinité, ont donc tout à gagner.