La rentrée parlementaire est toujours synonyme du retour des orientations budgétaires de l’État pour l’année suivante. En principe, le Projet de Loi de Finances (PLF) est présenté le 1er octobre. Mais cette année, pour la toute première fois de la Vème République, cette présentation du PLF sera faite en retard. Ce futur budget tardif, sous le signe de la réduction du déficit, est une prophétie de l’accentuation des retards sur les prises en compte du changement climatique et de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Évidemment, d’autres sujets seront victimes des coupes financières de Bercy, surtout ceux qui concernent le social, mais ces deux thématiques sont symptomatiques du paradoxe des politiques macronistes depuis 2017. Où sont passés les « Make the Planet great again » ou la « Grande Cause du quinquennat » et les moyens qui devaient leur être affectés ?
Comme les saisons précédentes, pour sa rentrée, Popol Green se focalise sur le décryptage du budget vert, mais cette année, il couple cela avec le budget concernant les droits des femmes et minorités de genre. En effet, l’écologie et les luttes féministes et queers sont intrinsèquement liées ; dans une société où l’économie libérale est reine et au service des dominations, voir où est investi l’argent public est essentiel.
“Alors que le retard s'accroît, l’équilibre budgétaire pour le climat s’éloigne”
Le budget consacré à la transition écologique a augmenté d’environ 3% par an depuis 2017 mais cette augmentation masque la réalité de terrain et le fléchage ambigu de ces financements. Le Budget Vert, obligation européenne, est un document qui flèche les dépenses globales de l’État en fonction de leur impact environnemental, entre vertes (favorables), grises (neutres) et brunes (défavorables). Alors que le gouvernement se vante régulièrement des augmentations allouées à l’environnement, il se gausse moins quand il faut distinguer les dépenses favorables au climat et celles défavorables. Derrière les estimations se cachent des choix méthodologiques qui influent sur le nombre des dispositifs fiscaux, minimisant les dépenses néfastes au climat. Les organismes de contrôle pointent cependant que les dépenses en défaveur de l’environnement ont explosé, passant de 10,3 à 19,6 milliards d’euros rien qu’entre 2022 et 2023. Cette explosion ne comprend pas le tour de passe-passe de l'État en intégrant dans les dépenses vertes le financement d’ampleur du nucléaire, le bouclier énergétique finançant les énergies fossiles, la baisse d’investissement dans les ENR ou encore les 27 000% d’augmentation budgétaire allouée aux chasseurs.
Dès 2021 et à nouveau en 2024, la Cour des Comptes (CdC) alerte sur les manquements budgétaires pour soutenir une politique d’adaptation au changement climatique efficace ; les crédits alloués à la politique écologique et à la prévention des risques ne répondent pas à l’urgence. La Cour note que « les dépenses favorables à l’environnement ont augmenté de 1 milliard d’euros entre 2021 et 2023 alors que le besoin d’investissement peut être évalué à au moins 10 milliards d’euros [par an] pour la seule transition climatique ». L’effort budgétaire devrait donc être décuplé. D’après l’Institute For Climate Economics (I4CE), il faudrait 30 milliards supplémentaires par an pour tenir l’engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Le retard, c’est aussi ce que pointe le Haut conseil pour le Climat (HCC) concernant certains textes importants pour la France et prône un “changement d’échelle” dans l’adaptation face à la situation climatique qui se dégrade. Prévue pour fin 2023, décalée à avril 2024, puis à une date indéterminée, la présentation du troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) est en attente. Stand-by bien pratique quand Bruno Le Maire, ex-ministre de l’économie, cherchait en avril dernier 10 milliards d’€ de rabotage et que 22% de l’effort global s’est porté sur l’écologie avec une baisse de 2,2 milliards d’euros des crédits de paiement. Coupe drastique qui se confirme cet été avec la perspective d’une diminution de 60% du Fond vert et une réduction de 35% du financement de l’établissement public pour la transition écologique (ADEME), soit un budget incitatif de 900 millions d’euros contre 1,373 milliard en 2024. Le retard s'accroît, l’équilibre budgétaire pour le climat s’éloigne.