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Domination climatique

La dernière COP aura été le témoin de l’absence de repentance des pays riches, de l’injustice climatique, et l’exemple flagrant de la volonté de garder un système de domination sur les pays et populations qui ont déjà été et restent victimes d’une exploitation honteuse.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

05 déc.

Earth with clouds above the African continent
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Domination climatique

La dernière COP aura été le témoin de l’absence de repentance des pays riches, de l’injustice climatique, et l’exemple flagrant de la volonté de garder un système de domination sur les pays et populations qui ont déjà été et restent victimes d’une exploitation honteuse.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

05 déc.

Chaque année se tient une COP, diminutif pour Conférences des Parties sur les changements climatiques ou Conference Of the Parties. La COP 29 s’est tenue lors de ce mois de novembre à Bakou en Azerbaïdjan.

Le choix du pays d’accueil fait polémique pour trois raisons. La première est que le pays est un gros exportateur de pétrole et de gaz que le président a qualifié de « don de dieu ». Cela représente 90% des revenus du pays. Cependant, le fonctionnement impose de faire tourner la présidence de la COP entre les cinq régions reconnues de l'ONU (l'Afrique, l'Asie, l'Amérique latine et les Caraïbes, l'Europe centrale et orientale et l'Europe occidentale et autres). Le lieu d’accueil tient donc plus de la règle que du choix et tous les pays sont consommateurs de ces hydrocarbures.   

La seconde polémique concerne les droits humains. En effet, Human Rights Watch et Freedom Now accusent les autorités azerbaïdjanaises d’arrêter des dizaines de militant·es, notamment écologistes, pour les réduire au silence. Il y a encore quelques mois, un défenseur des droits de l’humain et de l’environnement a été emprisonné, deux mois après avoir cofondé une association pour défendre les libertés civiques et la justice environnementale en Azerbaïdjan. Quand on sait que près de 200 défenseureuses de l'environnement ont été assassiné·es dans le monde en 2023 et que les niveaux de surveillance dans les pays de l'Union européenne sont de plus en plus draconiens, le questionnement de l’accueil de la COP par l’Azerbaïdjan prend une autre tournure.  

Enfin, la troisième polémique se focalise sur l’absence des chef·fes d’Etat des pays parmi les plus émetteurs de GES (gaz à effet de serre). Ce désintérêt montre un clair mépris de la lutte contre le changement climatique et l’indifférence de l’impact de celui-ci sur les pays les plus vulnérables. Le président américain Joe Biden, qui vient de voir l’élection de Donald Trump aux États-Unis, n’a pas fait l’effort de venir. Tout comme le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa et le Premier ministre australien, Anthony Albanese. Les Européens ne seront guère mieux représentés puisque la présidente de la Commission européenne, Ursula Van Der Leyen, concentrée sur le lancement de son second mandat, ne se rendra pas à Bakou. Pas plus que le chancelier allemand, Olaf Scholz ou Emmanuel Macron qui a oublié son « Make the Planet Great Again ».

Les pays les plus vulnérables au changement climatique sont proportionnellement les plus pauvres ou sont des États insulaires. Ceux-ci sont confrontés de plein fouet par les conséquences de la modification du climat en subissant des tempêtes, inondations, sécheresses ou autres, plus fréquentes, plus violentes et plus meurtrières. Leur survie est menacée, tout comme la subsistance alimentaire des populations, leur économie ou leur bonne santé. Dans ces pays, ce sont les plus pauvres, les femmes et les enfants, qui en sont les premières victimes. En effet, l’ONU rappelle que 80 % des personnes déplacées par les catastrophes et les changements climatiques dans le monde sont des femmes et des filles.  

Malgré ce constat, la finalité des négociations de la COP 29, ne reflète pas la nécessité de concentrer les efforts mondiaux sur les pays les plus impactés. Les échanges ont été très tendus entre les pays en développement et les pays nord. L’accord qui a abouti dans la douleur est décevant, dérisoire voire grossier. Les pays riches se sont engagés à verser seulement 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour aider les pays en développement à s’adapter au changement climatique et se tourner vers les énergies bas carbones, alors que ces derniers en attendaient quatre fois plus. Les pays développés restent opposés à l’ampleur de l’effort demandé de leur part, reflet de leur responsabilité historique dans la dette climatique à laquelle le monde est confronté.   

Cela reflète également le rapport de domination qui persiste entre le nord et le sud. Cela met clairement en évidence le manque de volonté des pays développés d’assumer leurs responsabilités.  Pire, un véritable « droit à polluer » des pays riches et des multinationales grâce aux marchés du carbone qui ne sont pas des instruments de financement de la lutte contre le changement climatique, mais qui permettent aux grands pollueurs d’échapper d’un seul coup à leurs obligations en matière d’émissions et de financement. En 2023, le biogéochimiste marin Olivier Ragueneau, a très bien expliqué que « le maintien de rapports profondément injustes entre les deux hémisphères, rapports que l’esclavage et la colonisation n’avaient déjà eu de cesse de placer sous l’angle de la domination, pour des raisons d’abord culturelles puis de plus en plus géostratégiques, d’extractivisme et de pillage, toujours au détriment des populations locales. ». La dette climatique des pays du Nord est par conséquent très largement supérieure à celle des pays du Sud. Cette dette doit être annulée pour ces derniers parce qu’elle est odieuse car les dirigeants et les banquiers du Nord global sont aujourd’hui les débiteurs.

Cette COP 29, comme ses prédécesseuses, laissera un souvenir de déception et un goût amer pour beaucoup. Cependant, plus que d’autres, cette COP aura été le témoin de l’absence de repentance des pays riches, de l’injustice climatique, et l’exemple flagrant de la volonté de garder un système de domination sur les pays et populations qui ont déjà été et restent victimes d’une exploitation honteuse.

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