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La femme est l’avenir des animaux 

L’écoféminisme doit être à l’intersection des luttes antispéciste, décoloniale, antiraciste, anti-raciste, anti-capitaliste, il doit soutenir l’abolition de toutes les dominations et œuvrer au bien-être animal, car ses luttes se nourrissent mutuellement.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

13 janv.

brown antelope and zebra on field at daytime
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La femme est l’avenir des animaux 

L’écoféminisme doit être à l’intersection des luttes antispéciste, décoloniale, antiraciste, anti-raciste, anti-capitaliste, il doit soutenir l’abolition de toutes les dominations et œuvrer au bien-être animal, car ses luttes se nourrissent mutuellement.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

13 janv.

Obsédé par l’ordre patriarcal et l’anthropocentrisme [1], Napoléon écrivit dans ses mémoires : “La femme est donnée à l’homme pour qu’elle lui fasse des enfants ; elle est sa propriété comme l’arbre à fruits est celle du jardinier”. Cette citation sera, pour les siècles suivants et encore aujourd’hui, le socle de la domination sur les femmes, les peuples, la nature et les animaux. 

Promulgué en 1804, le Code Civil Napoléonien institut l'incapacité juridique de la femme mariée, consacre l'infériorité de la femme face à l'homme : au nom de la famille et de sa stabilité, les femmes sont soumises à l'autorité du mari. Le “bon père de famille” devient un concept juridique. De même, les animaux sont considérés comme des “biens meubles” et les droits qui y sont attachés sont essentiellement ceux de leurs propriétaires. L’animal est assimilé à un objet, une chose. Il faudra attendre 2014 pour que l’Assemblée nationale adopte un amendement sur la suppression de la notion de “bon père de famille” dans le cadre de la loi pour l’égalité réelle, et 2015 pour que les animaux soient reconnus comme des êtres vivants doués de sensibilité. Plus de 200 ans se sont écoulés avant que soit supprimée cette aberration philosophique et juridique. 200 ans…

L’objectivation des femmes et des animaux est bien antérieure à la misogynie de Napoléon. Selon l’auteure féministe Elizabeth Fisher, les animaux domestiques seraient une des premières formes de propriété privée. Leur objectification et transformation en machines reproductrices – de surcroît pour les animaux femelles – est à la base du système patriarcal capitaliste [2]. Grâce à la domestication du bétail, les hommes comprennent enfin le fonctionnement de la maternité, considérée jusque-là comme un processus magique, qui donnait à la femme une vénération commune. Cette découverte déposséda la femme d'une part de son autonomie et cantonnée à un rôle de génitrice.

Outre une exploitation quasi similaire des animaux et des femmes, leurs liens sont aussi des bases de lutte. Ce n’est pas anodin si environ 70% des activistes pour les animaux seraient des femmes. D’après les recherches de Christiane Bailey [3], la démographie particulière du mouvement de défense des animaux en ferait même un des principaux mouvements féminins après le mouvement féministe lui-même.Les femmes ont tendance à se préoccuper davantage des façons dont nos sociétés traitent les animaux. D’ailleurs, les derniers chiffres de l’INSEE montrent que les femmes et minorités de genre consomment moins de viande que les hommes. La domination masculine repose tant sur la consommation de la viande que sur le contrôle du corps des femmes. Les hommes voient en ce bout de viande des notions patriarcales de pouvoir et de performance [4]. L’anthropologue Peggy Reeves Sanday a par ailleurs effectué des recherches poussées sur des centaines de cultures contemporaines et non-technologiques. Elle en a conclu que dans les sociétés moins carnistes, les hommes ont une place beaucoup plus égalitaire avec les femmes. Les hommes y sont, par exemple, plus impliqués dans l’éducation des enfants ou la préservation de l’environnement.

Encore aujourd’hui, les pratiques et institutions centrées sur la violence et la mise à mort des animaux sont dominées par les hommes (élevage, chasse, pêche, trappe, abattage, boucherie, expérimentation, rodéos, corrida, etc.). Tout comme enfermer, mutiler et tuer des individus vulnérables sans leur consentement sous couvert du droit, de la religion ou de la tradition (esclavage, excision, viol, anti-IVG, etc.). Le spécisme occupe une place essentielle dans les mécanismes discriminatoires et contribue fortement aux divisions sociales qui structurent et hiérarchisent la société dans son ensemble. Il hiérarchise les êtres vivants et les humains : l’adulte mâle est supérieur à la femelle et aux enfants, le mâle dominant est supérieur aux mâles esclaves qui le servent, n’importe quel humain adulte mâle se croit supérieur aux autres espèces, à la nature même. D’ailleurs, dans un article d’Usbek & Rica [5], Myriam Bahaffou explique très clairement ce processus identique dans la colonisation : “la question « de l’animal » est alors centrale, puisque toutes les personnes « racisées » se sont toujours vues associées aux bêtes, c’est ce qui a justifié leur exploitation, leur esclavage, leur extermination. Aujourd’hui, les femmes racisées, notamment Africaines en France, sont encore souvent représentées comme « sauvages » et « indomptables » – un imaginaire raciste qui renvoie directement aux animaux.” 

Le destin et la solidarité entre les femmes, les peuples autochtones, les groupes racisés et les animaux sont le résultat de l’histoire commune du patriarcat, de la suprématie blanche, du colonialisme et de la suprématie humaine. L’écoféminisme doit donc être à l’intersection des luttes antispéciste, décoloniale, antiraciste, anti-raciste, anti-capitaliste, il doit soutenir l’abolition de toutes les dominations et œuvrer au bien-être animal, car ses luttes se nourrissent mutuellement.

Pour conclure, une citation de l’écoféministe Norma Benney qui annonce un possible futur de l’histoire commune des femmes et des animaux : “Il n’est ni correct ni juste de revendiquer la liberté pour nous-mêmes, sans revendiquer en même temps la liberté des créatures qui partagent la planète avec nous, qui sont cruellement opprimées de la naissance à la mort par des attitudes et des systèmes patriarcaux et qui n’ont pas le pouvoir des femmes pour s’organiser”. 

[1] L’anthropocentrisme est une philosophie, une religion, une représentation du monde qui place l’humain adulte mâle, l’Anthropos, au centre de l’univers, supérieur à toute entité vivante.[2] « Capitaliste » vient du latin « caput », signifiant « la tête », à l’origine la tête de bétail.[3] Doctorante en philosophie à l’Université de Montréal et membre du Groupe interuniversitaire de recherche en éthique environnementale et animale. Elle a notamment publié « Le capitalisme, les animaux et la nature chez Marx ».[4] Myriam Bahaffou, chercheuse en philosophie féministe.[5] https://usbeketrica.com/fr/article/pour-animaliser-femmes-deshumaniser-animaux-ecofeminisme

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