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L’IA, les femmes & la politique

N’oublions pas que derrière l’IA il y a des humains qui la conçoivent, qui l’entraînent et qui la régulent. Sans compter que l’IA, et les nouvelles technologies de manière générale, peuvent aussi être des outils très utiles pour les féministes.

Léa Chamboncel

21 nov.

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L’IA, les femmes & la politique

N’oublions pas que derrière l’IA il y a des humains qui la conçoivent, qui l’entraînent et qui la régulent. Sans compter que l’IA, et les nouvelles technologies de manière générale, peuvent aussi être des outils très utiles pour les féministes.

Léa Chamboncel

21 nov.

La défaite de Kamala Harris et la victoire de Donald Trump lors de la dernière élection présidentielle aux États-Unis est riche d’enseignements et s’il y a une leçon que l’on peut tirer de la campagne qui a précédé l'élection, c'est la suivante :l’intelligence artificielle (IA) bénéficie rarement aux femmes politiques. 

L’intelligence artificielle est définie par le dictionnaire Larousse dans les termes suivants : “Ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l'intelligence humaine”. Ainsi, cette locution englobe de nombreux exemples comme les outils bien connus que sont ChatGPT, les deepfakes ou encore les algorithmes de recommandations qui gouvernent les réseaux sociaux. 

Même s’il est difficile de mesurer précisément l’impact de l’IA dans les urnes, le rôle qu’elle a joué en faveur de Donald Trump pendant la campagne présidentielle étatsunienne est indéniable. Outre les tweets et autres communications de désinformation visant Kamala Harris, la candidate démocrate a également été victime de deepfakes visant à la moquer, l’humilier et la décrédibiliser. 

Et si cette intelligence artificielle au service de Trump a pu aussi bien prospérer en ligne, c’est notamment parce que l’environnement des réseaux sociaux est particulièrement perméable à la misogynie et à la désinformation orchestrée par l’extrême droite. 

De nombreuses études ont par ailleurs démontré que les femmes politiques font l’objet d’un traitement d’une violence inouïe en lignecomme le soulignent Lucina Di Meco et Saskia Brechenmacher : “Les femmes semblent être ciblées de manière disproportionnée par les abus en ligne et les attaques de désinformation. Cette tendance est encore plus prononcée pour les dirigeantes politiques appartenant à des groupes minorisés ; pour celles qui sont très visibles dans les médias ; et pour celles qui s’expriment sur les questions féministes.” 

Mais alors, la faute à qui ? La faute à l’IA ? On peut légitimement se poser la question, notamment lorsque l’on constate que c’est sur X (ex-Twitter) que Kamala Harris a le plus été attaquée, et comme vous le savez probablement déjà, l’algorithme de recommandation sur X depuis le rachat de la plateforme par Elon Musk a cette fâcheuse tendance à davantage promouvoir les contenus d’extrême droite. Et là encore on ne vous apprend rien, mais Elon Musk a massivement investi dans la campagne de Donald Trump pour qu’il remporte l’élection présidentielle. Nos milliardaires à nous investissent dans les médias et aux US ils investissent aussi dans les réseaux sociaux… 

De manière générale, le rôle joué par les plateformes a souvent été pointé du doigt dans de nombreuses campagnes politiques. C’est précisément ce qu’a révélé le scandale de Cambridge Analytica. De son côté, Amnesty international a révélé dans un rapport publié en 2022 que “Les dangereux algorithmes de Meta, qui détient Facebook, ainsi que la recherche effrénée du profit ont considérablement contribué aux atrocités perpétrées par l’armée myanmar contre le peuple rohingya en 2017”. 

L’IA peut être tenue pour responsable de nombreuses choses, mais n’oublions pas que derrière l’IA il y a des humains qui la conçoivent, qui l’entraînent et qui la régulent. Sans compter que l’IA, et les nouvelles technologies de manière générale, peuvent représenter une chance inouïe pour les innovations démocratiques et pour faire émerger des profils politiques non médiatiques. Les nouvelles technologies peuvent aussi être des outils très utiles pour les féministes comme le souligne le Council on Foreign Relations : “faire partie d'une communauté mondiale en ligne a aidé des militantes à se rassembler contre des gouvernements répressifs, à sensibiliser aux injustices et à dénoncer les violences sexuelles et sexistes à travers des mouvements mondiaux comme #MeToo, #NiUnaMenos et la Women’s March”. 

Ainsi, il ne faut pas peut-être déserter la toile au risque de se priver d’outils d’organisation et de mobilisation sociale et politique. C’est précisément pour cela que les fondatrices de #ShePersisted, (une association spécialisée dans les recherches autour des menaces numériques ciblant les femmes politiques), Kristina Wilfore et Lucina Di Meco, se sont donné pour mission d’aider les femmes politiques à “renforcer leur résilience numérique”. 

Elles appellent aussi à la mise en place d’une régulation des réseaux sociaux afin de protéger les électeurices de la désinformation et de permettre aux femmes d’avoir les mêmes chances que les hommes d’accéder aux responsabilités politiques car pour elles “la prolifération non réglementée de contenus politiques sur les réseaux sociaux et l’IA pourrait devenir une menace pour le processus électoral américain – ainsi que pour la parité politique aux États-Unis”. 

Donc tout n’est peut-être pas à jeter, mais il faut changer l’IA pour reprendre le pouvoir et en faire un outil utile à nos luttes tout en cherchant à en limiter les menaces pour notre démocratie. Et on peut même aller encore plus loin en se demandant comment le féminisme pourrait transformer l’IA au service de la démocratie ? 

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