Pour les personnes vivant en Europe, qui dit justice internationale dit au moins 3 institutions : la Cour internationale de justice, qui juge les Etats, la Cour pénale internationale qui juge les personnes et la Cour européenne des droits humains (CEDH) qui vérifie que les droits et les garanties prévus par la Convention européenne des droits humains sont respectés par les États. Au total, ce sont 79 juges internationaux dont 29 femmes. Avec une parité absente, peut-on compter sur une justice féministe ?
Depuis 30 ans, l’inclusion des crimes liés au genre a fait son apparition dans le droit pénal international grâce à la ténacité de mouvements féministes qui ont œuvré pour la reconnaissance du viol comme arme de guerre et de torture. Cette reconnaissance de l’inclusion du genre a commencé avec les tribunaux spéciaux pour l’ex-Yougoslavie (1993) et le Rwanda (1994) qui ont rendu possibles les poursuites pour violences sexuelles en tant que crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Ainsi, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a été la première institution à reconnaître le viol comme un moyen de perpétrer le génocide et le catégorise comme forme de torture. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été la première institution à reconnaître le viol comme crime de guerre. Ces deux décisions ont été rapidement considérées comme des avancées pour le droit des femmes.
Désenchantement féministe pour la Cour pénale internationale
Pourtant, certains regards féministes questionnent toutefois l’inclusion du genre en droit international par le seul prisme des violences sexuelles car la définition du crime lié au genre est problématique. Dans le Statut de Rome, qui fonde la CPI, le terme genre se réfère aux “deux sexes, mâle et femelle, dans le contexte de la société”, et il ajoute que “le terme genre ne peut être compris d’aucune autre façon de celui-ci”, appuyant sur l’idée du genre comme étant compréhensible à partir de ce sexe biologique. Certaines se demandent donc si la CPI est le lieu adapté pour rendre une véritable justice de genre ou si elle ne réduit pas les femmes au seul statut de victime de la violence sexuelle, fixant ainsi leurs positions sociales comme passives, inférieures, vulnérables et ayant besoin de protection masculine.
Pour rappel, la Cour pénale internationale (CPI) est un tribunal indépendant qui juge “les personnes accusées des crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale”. Elle est actuellement composée de 11 juges femmes et 7 juges hommes. Depuis sa création en 2002, elle a condamné deux hommes pour crimes de guerre - Thomas Lubanga et Germain Katanga - en République démocratique du Congo. Le viol et les violences sexuelles n’ont toutefois pas été constitutives de ces condamnations car – malgré les preuves – ces charges ne sont pas incluses dans l’acte d’accusation contre Lubanga, donnant priorité aux charges concernant les enfants soldats. Katanga a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, mais s’est vu acquitté des charges de viol et de réduction en esclavage sexuel, témoignant des difficultés à faire la preuve dans les cas de violences sexuelles.
Difficiles définitions
En plus de cette notion de genre liée à celle du sexe, il n’existe aucune définition du viol universellement reconnue. C’est également la raison pour laquelle l’enjeu pour la CPI est de prouver la systématisation de son utilisation pour qu’il soit reconnu comme arme de guerre ou de génocide. L’Union européenne a récemment essayé d’adopter une définition commune du viol, incluant notamment la notion de consentement. Sans succès. Dix pays – dont la France – se sont exprimés contre cette définition. Selon Eric Dupond-Moretti, notre garde des sceaux, “le seul responsable, c’est le violeur. Le risque majeur (d’inclure la notion de consentement dans la définition) est de faire peser la preuve du consentement sur la victime”. Par ailleurs, le tout premier instrument législatif de la Cour européenne des droits humains (CEDH) n’inclut pas la notion de viol, dont les définitions légales varient là-aussi selon les systèmes juridiques de chaque État.