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Le Pays Basque, la Terre en lutte 

Aujourd’hui la lutte écologique et écoféministe est le nouveau ciment de l’identité collective du Pays Basque, avec modernité des initiatives pour rendre le territoire plus souverain, soutenable et solidaire.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

30 mai

blue wooden door on gray concrete building
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Le Pays Basque, la Terre en lutte 

Aujourd’hui la lutte écologique et écoféministe est le nouveau ciment de l’identité collective du Pays Basque, avec modernité des initiatives pour rendre le territoire plus souverain, soutenable et solidaire.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

30 mai

En 2008, Sébastien Tellier chantait “Je rêve de Biarritz en été”, chant érotico-touristique, qui, malgré des beats entrainantes, revêt des paroles creuses, symptômes de la polarisation néfaste autour du Pays Basque depuis ces 15 dernières années. Celui-ci, est aussi fantasmé qu’inconnu pour ses prétendant·es, entraînant des conséquences sociétales et écologiques sans précédent sur le territoire.

Tout d’abord, l’Euskadi ne se résume pas à la côte Basque. Pourtant, c’est vers elle que se tournent toutes les attentions depuis des décennies de l’histoire moderne, aux grès des modes, dont la dernière en date est l’eldorado des CSP++, traumatisés par le confinement de 2020. En effet, la pandémie a vu une partie non négligeable de la population des grandes villes françaises s’exiler vers les villes moyennes, les campagnes, et villes côtières. Le littoral du Pays Basque remplit à lui seul ces 3 critères. D’après les derniers recensements de l’INSEE, entre 2013 et 2019, la population du Pays Basque a augmenté de 0,5% par an et depuis 2020, cela a grimpé en moyenne à 2,2 %, soit 3.254 habitant·es supplémentaires chaque année. A cette pression démographique inédite, s’ajoute une pression touristique toujours plus forte, jusqu’à un niveau de fréquentation excessive. Cette situation entraîne depuis une quinzaine d’années des tensions sur le marché immobilier, dans l’ensemble du Pays Basque cette fois, avec des villes où 1 logement sur 2 est une résidence secondaire ou une location saisonnière. La faute incombe à des choix politiques d’attraction territoriale mono centrée sur l’économie touristique, sans anticipation environnementale ou prise en compte de l’identité culturelle basque, et aucun garde-fou pour les spéculateurs peu scrupuleux. D’autres tensions s’ajoutent, entre les populations locales et nouvelles, avec un impact sur la culture, la langue, le patrimoine, la politique et l’environnement de l’Euskadi, qui s’illustre parfaitement avec ce slogan bien connu “Euskal Herria ez da salgai” (“le Pays basque n’est pas à vendre”), ralliement des luttes.

C’est au croisement de la crise environnementale mais aussi de ce contexte territorial basque particulier, en fin de conflit de l’ETA, que le mouvement altermondialiste Bizi! s’est créé en 2009, agissant au Pays Basque Nord, dans le domaine de l’urgence climatique et écologique, “par et pour la justice sociale” comme il le revendique. Garder un territoire vivant écologiquement et culturellement.  Pour Bizi!, l’économie capitaliste et le modèle de développement productiviste sont construits sur le pillage des ressources et la mise en concurrence des individus, des populations, des communautés, des Etats et des collectivités.

Ce mouvement inédit, dans la lignée des luttes historiques basques, prend de l’ampleur en 2013, avec la création d’Alternatiba à Bayonne, où 12 000 personnes se retrouvent dans le premier village des alternatives au changement climatique, sous le patronage du feu grand résistant Stéphane Hessel. Cet évènement sera le début d’une nouvelle mobilisation citoyenne riche qui prendra une ampleur nationale avec la création de plus de 100 villages Alternatiba organisés en deux ans, de Bayonne à la COP21 à Paris lors du premier tour de France du mouvement. Cet événement a suscité “une insurrection des consciences et des peuples” pour peser “beaucoup plus fort et rapidement que toutes les COP réunies” comme l’explique l’un de ses co-fondateur Txetx Etcheverry au journal Libération.

Cette force d'entraînement, non violente mais radicale, fera des petits un peu partout. Ce précurseur sera un acteur clé du mouvement des Marches pour le climat de 2018 ou de la mobilisations Gilets Jaunes avec le slogan “Fin du monde, fin du mois, même combat”. Il est partie prenante de la dynamique “Plus jamais ça”, initiative inédite réunissant ONG, mouvements citoyens et syndicats au moment de la pandémie de covid-19 appelant à lier les questions d’emploi et de climat.

En parallèle de sa progéniture, Bizi! continue son action et s’est donné en 2016 comme objectif l’écriture d’un projet de territoire “ayant comme perspective l’Euskal Herria burujabe, visant sa souveraineté énergétique, alimentaire, économique, citoyenne et culturelle, pour permettre une société soutenable, relocalisée, gérable par la population qui y vit, solidaire des autres territoires et des autres continents.” Actualisé en 2023, ce projet donne les bases des actions concrètes à réaliser alors que les conséquences des crises écologiques sont beaucoup plus visibles, crises sanitaires, énergétiques et géopolitiques ont démontré la pertinence de développer les souverainetés réelles locales. 

Dans une mouvance similaire et complémentaire, des collectifs écoféministes basques voient le jour, avec une influence forte issue du côté espagnol. On peut prendre l’exemple de la jeune organisation Itaia, des femmes du Pays Basque qui veulent construire un mouvement de “libération des femmes travailleuses”, en opposition avec un système capitaliste violent, de domination des femmes et destructeur de l’environnement. Dans un interview donné à Sud-Ouest cette année, elles expliquent que “la domination est dans l’intérêt du capitalisme, c’est une violence nécessaire à la logique du capital.” Elles tentent de convaincre autour d’elles, pour créer des lieux de réflexion pour “les femmes travailleuses”, celles qui sont “condamnées à avoir un travail salarial pour survivre”.

Après la lutte indépendantiste des années 1950 à 2010, aujourd’hui la lutte écologique et écoféministe est le nouveau ciment de l’identité collective du Pays Basque, avec modernité des initiatives pour rendre le territoire plus souverain, soutenable et solidaire, sans pour autant construire la souveraineté d’un Pays Basque isolé du reste du monde, mais plutôt en interaction et en solidarité avec d’autres territoires souverains.

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