En 2008, Sébastien Tellier chantait “Je rêve de Biarritz en été”, chant érotico-touristique, qui, malgré des beats entrainantes, revêt des paroles creuses, symptômes de la polarisation néfaste autour du Pays Basque depuis ces 15 dernières années. Celui-ci, est aussi fantasmé qu’inconnu pour ses prétendant·es, entraînant des conséquences sociétales et écologiques sans précédent sur le territoire.
Tout d’abord, l’Euskadi ne se résume pas à la côte Basque. Pourtant, c’est vers elle que se tournent toutes les attentions depuis des décennies de l’histoire moderne, aux grès des modes, dont la dernière en date est l’eldorado des CSP++, traumatisés par le confinement de 2020. En effet, la pandémie a vu une partie non négligeable de la population des grandes villes françaises s’exiler vers les villes moyennes, les campagnes, et villes côtières. Le littoral du Pays Basque remplit à lui seul ces 3 critères. D’après les derniers recensements de l’INSEE, entre 2013 et 2019, la population du Pays Basque a augmenté de 0,5% par an et depuis 2020, cela a grimpé en moyenne à 2,2 %, soit 3.254 habitant·es supplémentaires chaque année. A cette pression démographique inédite, s’ajoute une pression touristique toujours plus forte, jusqu’à un niveau de fréquentation excessive. Cette situation entraîne depuis une quinzaine d’années des tensions sur le marché immobilier, dans l’ensemble du Pays Basque cette fois, avec des villes où 1 logement sur 2 est une résidence secondaire ou une location saisonnière. La faute incombe à des choix politiques d’attraction territoriale mono centrée sur l’économie touristique, sans anticipation environnementale ou prise en compte de l’identité culturelle basque, et aucun garde-fou pour les spéculateurs peu scrupuleux. D’autres tensions s’ajoutent, entre les populations locales et nouvelles, avec un impact sur la culture, la langue, le patrimoine, la politique et l’environnement de l’Euskadi, qui s’illustre parfaitement avec ce slogan bien connu “Euskal Herria ez da salgai” (“le Pays basque n’est pas à vendre”), ralliement des luttes.
C’est au croisement de la crise environnementale mais aussi de ce contexte territorial basque particulier, en fin de conflit de l’ETA, que le mouvement altermondialiste Bizi! s’est créé en 2009, agissant au Pays Basque Nord, dans le domaine de l’urgence climatique et écologique, “par et pour la justice sociale” comme il le revendique. Garder un territoire vivant écologiquement et culturellement. Pour Bizi!, l’économie capitaliste et le modèle de développement productiviste sont construits sur le pillage des ressources et la mise en concurrence des individus, des populations, des communautés, des Etats et des collectivités.
Ce mouvement inédit, dans la lignée des luttes historiques basques, prend de l’ampleur en 2013, avec la création d’Alternatiba à Bayonne, où 12 000 personnes se retrouvent dans le premier village des alternatives au changement climatique, sous le patronage du feu grand résistant Stéphane Hessel. Cet évènement sera le début d’une nouvelle mobilisation citoyenne riche qui prendra une ampleur nationale avec la création de plus de 100 villages Alternatiba organisés en deux ans, de Bayonne à la COP21 à Paris lors du premier tour de France du mouvement. Cet événement a suscité “une insurrection des consciences et des peuples” pour peser “beaucoup plus fort et rapidement que toutes les COP réunies” comme l’explique l’un de ses co-fondateur Txetx Etcheverry au journal Libération.