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Le suicide et la théorie du stress des minorités 

Le suicide reste l’une des principales causes de décès dans le monde et la 4ème chez les 15-29 ans. Selon le classement 2019 relayé par la Banque mondiale, le pays européen qui connaît le taux de suicide le plus élevé est la Lituanie, le plus faible Chypre. Les facteurs sont multiples et le suicide n’est jamais le fruit d’une seule cause. Les études s’accordent à dire que les rôles traditionnels de genre n’y sont toutefois pas étrangers.

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

07 mars

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Le suicide et la théorie du stress des minorités 

Le suicide reste l’une des principales causes de décès dans le monde et la 4ème chez les 15-29 ans. Selon le classement 2019 relayé par la Banque mondiale, le pays européen qui connaît le taux de suicide le plus élevé est la Lituanie, le plus faible Chypre. Les facteurs sont multiples et le suicide n’est jamais le fruit d’une seule cause. Les études s’accordent à dire que les rôles traditionnels de genre n’y sont toutefois pas étrangers.

Illustration de Clothilde Le Coz

Clothilde Le Coz

07 mars

“On peut aisément pardonner à l'enfant qui a peur de l'obscurité. La vraie tragédie de la vie, c'est lorsque les hommes ont peur de la lumière” disait Platon. D’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), près de 700 000 personnes meurent en se suicidant chaque année dans le monde, principalement des hommes. À l’échelle mondiale, les femmes comptabilisent pourtant deux à quatre fois plus de tentatives de suicides que les hommes.

Le suicide reste l’une des principales causes de décès dans le monde et la 4ème chez les 15-29 ans. Selon le classement 2019 relayé par la Banque mondiale, le pays européen qui connaît le taux de suicide le plus élevé est la Lituanie, le plus faible Chypre. Les facteurs sont multiples et le suicide n’est jamais le fruit d’une seule cause. Les études s’accordent à dire que les rôles traditionnels de genre n’y sont toutefois pas étrangers.

Il est en effet considéré que des niveaux accrus de stress résultant des rôles de genre traditionnels sont des facteurs de suicide. Par exemple, dans le monde occidental où les hommes sont encore ceux qui devraient pourvoir à leurs besoins et à ceux de leur famille, ils sont plus nombreux que les femmes à se suicider. En Chine, où le suicide des femmes est plus répandu que celui des hommes, c’est à la femme de maintenir le bonheur de la famille. Simpliste ? 

Exemples

En France, le taux de suicide des personnes âgées est parmi le plus élevé au monde avec le Danemark, la Corée du Sud et la Hongrie. Selon l’observatoire national du suicide, il est de 20% contre 9% dans la population générale. Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre du sujet âgé et auteure de Vieillir n’est pas un crime a confié à Ouest-France que “​c’est comme le sujet de la vieillesse en général, le suicide des personnes âgées est une réalité taboue”. Faute de recherche scientifique, les causes des actes commis par nos seniors restent difficilement connus. Là aussi, les femmes sont plus touchées. Selon le dernier baromètre de Santé publique France, environ 6% des hommes âgés de 65 à 85 ans ont déclaré avoir déjà fait une tentative de suicide dans leur vie ; c’est deux fois plus pour les femmes.

Chez les plus jeunes, d’après l’OMS, le suicide était la quatrième cause de décès chez les 15 à 29 ans pour les deux sexes, après les accidents de la route, la tuberculose et la violence interpersonnelle. Chez les femmes, il est la 3ème cause de décès dans ce groupe d’âge. Dans son baromètre publié début février, Santé publique France montre d’ailleurs que la France ne fait pas exception. Et là encore, ce sont les jeune femmes de 15-19 ans pour lesquelles les taux d’hospitalisation et de recours aux urgences pour tentative de suicide sont les plus élevés.

Plus récemment, une étude scientifique publiée par une équipe de recherche de l’Université de Pennsylvanie au Etats-Unis montre que les taux de suicide sont plus élevés chez les femmes en âge d’avoir des enfants qui vivent dans des états qui ont pris des mesures plus restrictives concernant l’accès à l’avortement entre 1974 et 2016, notamment en raison du stress induit. Une piste de recherche qui reste encore à creuser, mais  n’est pas sans plaider pour un accès facilité à l’avortement (voir à ce titre l’interview de Sarah Schlitz sur le combat qu’elle mène en Belgique).

Ces exemples montrent que  chaque type de population peut souffrir d’un stress induit par des constructions sociales imposées par la culture dominante, en l’occurrence patriarcale, et que si les hommes restent les plus nombreux à se suicider de manière globale, les femmes et les minorités restent les plus touchées par les tentatives de suicides et les pensées suicidaires.

Suicides forcés et féminicides

Le suicide forcé est l’aboutissement des violences psychologiques exercées sur une personne (humiliations, insultes, isolement, chantage, etc). Encore peu évoqués, les suicides forcés sont peu documentés. Plusieurs études réalisées en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis tendent néanmoins à considérer qu'ils représentent 12% des suicides. Au Canada, il est considéré comme un homicide coupable. Il peut également être considéré comme meurtre ou comme homicide involontaire coupable selon certains critères, mais l’attitude dominante des procureur·es est plutôt de porter des accusations de harcèlement criminel.

En France, le suicide forcé est encadré par la loi depuis 2020. Le fait de provoquer au suicide est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende lorsque la victime est un·e mineur·e de quinze ans. Le suicide forcé n'est pas considéré par la loi comme un meurtre et donc un féminicide, mais une circonstance aggravante dans le cas d'un harcèlement. Selon le ministère de l’Intérieur, 759 personnes – en très grande majorité des femmes - se sont suicidées ou ont tenté de le faire en 2022 à la suite du harcèlement d’un conjoint ou d’un ex-conjoint. La France est le premier pays européen à reconnaître le suicide forcé.

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