Cet article est dédié aux tantes, aux cousines, aux sœurs, aux nièces, aux amies, aux belles-mères…
Ces dernières années, le combat féministe a investi le champ de la maternité. Pour que les lignes bougent, pour révéler les zones d’ombre, faire changer les lois d’une société où toute la charge repose encore beaucoup sur les femmes et pour qu’existe aussi une autre narration, celle où la maternité pourrait être plurielle, sortie du couple, de la seule hétérosexualité… Et c’est en effet une grande avancée que cette maternité qui se dérobe enfin à une norme dont les limites n’ont cessé de peser sur les femmes. Pourtant, une parole peine encore à se faire entendre, celle des femmes qui n’ont pas d’enfant : parce qu’elles ne le veulent pas, parce qu’elles ne le peuvent pas, parce qu’elles ne savent pas encore.
“C’était un délire d’une génération de féministes wonderwoman : des femmes qui regrettent de ne pas être mère.” Voilà ce que titrait le Figaro le 11 mai 2023 dans un article que l’on aurait cru sorti d’un autre âge tant il alignait des arguments rétrogrades et d’une faiblesse consternante. Et dont on imagine qu’il est une réponse à un mouvement récent qui a vu certaines femmes déclarer publiquement leur regret d’être mère. Dans cet article donc, des femmes y racontent leur regret d’avoir cédé aux sirènes du féminisme, une autre de ne pas transmettre son histoire familiale. Tous les clichés sont convoqués, depuis l’avortement “de confort” dont on ne dit pas assez aux femmes que c’est un trauma, la fameuse horloge biologique qu’on ne peut certainement pas ignorer impunément et enfin, last but not least comme on dit outre-manche, le célèbre égoïsme de la femme nullipare qui cède aux sirènes de la bamboche (“Jusqu’à 38 ans, elles se sont senties jeunes filles, dans une quête de plaisirs et de découvertes…” sic.) et qui telle la cigale, se retrouvera fort dépourvue quand la bise sera venue. Cet article, publié dans un journal peu connu pour ses vues progressistes, ne fait pas tendance et par ailleurs, chaque femme a le droit de s’exprimer sur le sujet dans les termes qu’elle entend mais il est révélateur de la difficulté que nous avons encore, tous et toutes, à appréhender le parcours des femmes sans enfants.