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Maternité et féminisme : chercher la bonne parole

Comment parler de la maternité ? Comment en parler d’une manière qui aide les femmes et qui concourt à faire de la société un espace plus égalitaire et plus inclusif ? 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

31 janv.

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Maternité et féminisme : chercher la bonne parole

Comment parler de la maternité ? Comment en parler d’une manière qui aide les femmes et qui concourt à faire de la société un espace plus égalitaire et plus inclusif ? 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

31 janv.

La maternité est un défi féministe, un défi pour les féministes et pour les femmes. Pendant longtemps, en effet, les femmes ont été renvoyées exclusivement à leur fonction maternelle. Leur exclusion de la vie publique et politique se justifiait par la tâche qui leur incombait : rester à l’intérieur de la maison pour faire des enfants et s’en occuper. Lors de la première vague de féminisme, les suffragettes demandent à être reconnues en tant qu’être humain et non en tant que seule mère de famille, mais se servent aussi de leur militantisme pour réclamer des droits sociaux favorables aux mères : congés maternité pour les ouvrières, allocations familiales, etc. A l’époque, ces revendications rencontrent l’obsession nataliste des hommes, inquiets de voir des générations entières de jeunes hommes mourir au front. Et c’est ainsi que parallèlement à des lois extrêmement répressives concernant l’avortement et la propagande favorable à la contraception au début des années 20, les hommes politiques puisent dans les revendications féminines tout un attirail législatif favorable aux mères : congés maternité (1909-1913), assurance maternité (1928), allocations familiales (1932). Une politique “en faveur des femmes” (i.e. des mères) qui sera confirmée par le Babyboom d’après-guerre, consolidant l’idée que le destin des femmes est d’être mère.

Et ce va-et-vient entre droit des femmes et maternité, avancées et reculades, ne va cesser de hanter le débat féministe au cours des vagues successives. A la période du Babyboom qui a donné l’impression (fausse) que le féminisme pouvait s’incarner dans une maternité épanouie et multiple, succèdera la lutte pour le droit à l’avortement le fameux slogan « Un enfant si je veux, quand je veux ». Pour certaines et certains, la maîtrise de la fécondité va intellectualiser ce qui autrefois était une évidence (autant qu’un fardeau). Et en effet, pourquoi faire un enfant dans une société en crise ? Pourquoi continuer à avoir des enfants quand les hommes se servent de la maternité pour maintenir les femmes dans un rôle domestique et limiter ainsi leur accès à l’espace public ? L’effondrement de la natalité dans les années 80 va pourtant laisser place à un « renouveau » du désir d’enfant lié peut-être à l’essor de la recherche biomédicale qui permet de contourner la stérilité des femmes comme des hommes et d’accompagner les maternités tardives. Une contradiction qui a obligé les féministes à sortir de la dichotomie maternité/aliénation pour s’intéresser aux liens entre féminité et maternité, à ses multiples réalités, ses différentes incarnations.

Ce paradoxe féministe qui entend protéger les femmes dans leur désir et leur liberté d’être mère tout en dénonçant les inégalités professionnelles, financières, médicales et intimes que cela génère n’est pas forcément une équation à résoudre, mais il faut bien reconnaître que nous sommes à court de discours pour évoquer ces sujets-là dans des termes qui aident réellement les femmes, les mères comme celles qui ne le sont pas encore, celles qui ne le seront jamais. Les injonctions sororales ne sont pas d’un grand secours quand elles s’inscrivent dans des trajectoires si intimes mais qui reposent aussi sur tant d’inégalités économiques et sociales. Les podcasts, les comptes instagram, les livres qui mettent la maternité à l’honneur et l’associent au combat féministe se multiplient mais s’ils permettent à certaines de canaliser leur colère, de régler leurs ambivalences, sur un plan politique et collectif, ils sont aussi offensifs qu’une fleur plantée dans un fusil. 

Comment parler de la maternité ? Comment en parler d’une manière qui aide les femmes et qui concourt à faire de la société un espace plus égalitaire et plus inclusif ? 

Peut-être est-ce un début de piste : reconnaître que cette expérience-là, d’apparence collective est en réalité une expérience unique, si intime qu’elle souffre mal la dissolution dans la masse.

Une autre aussi serait de donner à la femme sans enfant, cette grande invisible, la place qui lui revient, non seulement dans le combat féministe mais dans la société toute entière.

Et enfin, et toujours, la lutte politique, celle qui nous aidera à mieux appréhender les outils à notre disposition, pour ne pas voir les libertés conquises de haute lutte nous échapper.  

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