La maternité est un défi féministe, un défi pour les féministes et pour les femmes. Pendant longtemps, en effet, les femmes ont été renvoyées exclusivement à leur fonction maternelle. Leur exclusion de la vie publique et politique se justifiait par la tâche qui leur incombait : rester à l’intérieur de la maison pour faire des enfants et s’en occuper. Lors de la première vague de féminisme, les suffragettes demandent à être reconnues en tant qu’être humain et non en tant que seule mère de famille, mais se servent aussi de leur militantisme pour réclamer des droits sociaux favorables aux mères : congés maternité pour les ouvrières, allocations familiales, etc. A l’époque, ces revendications rencontrent l’obsession nataliste des hommes, inquiets de voir des générations entières de jeunes hommes mourir au front. Et c’est ainsi que parallèlement à des lois extrêmement répressives concernant l’avortement et la propagande favorable à la contraception au début des années 20, les hommes politiques puisent dans les revendications féminines tout un attirail législatif favorable aux mères : congés maternité (1909-1913), assurance maternité (1928), allocations familiales (1932). Une politique “en faveur des femmes” (i.e. des mères) qui sera confirmée par le Babyboom d’après-guerre, consolidant l’idée que le destin des femmes est d’être mère.
Et ce va-et-vient entre droit des femmes et maternité, avancées et reculades, ne va cesser de hanter le débat féministe au cours des vagues successives. A la période du Babyboom qui a donné l’impression (fausse) que le féminisme pouvait s’incarner dans une maternité épanouie et multiple, succèdera la lutte pour le droit à l’avortement le fameux slogan « Un enfant si je veux, quand je veux ». Pour certaines et certains, la maîtrise de la fécondité va intellectualiser ce qui autrefois était une évidence (autant qu’un fardeau). Et en effet, pourquoi faire un enfant dans une société en crise ? Pourquoi continuer à avoir des enfants quand les hommes se servent de la maternité pour maintenir les femmes dans un rôle domestique et limiter ainsi leur accès à l’espace public ? L’effondrement de la natalité dans les années 80 va pourtant laisser place à un « renouveau » du désir d’enfant lié peut-être à l’essor de la recherche biomédicale qui permet de contourner la stérilité des femmes comme des hommes et d’accompagner les maternités tardives. Une contradiction qui a obligé les féministes à sortir de la dichotomie maternité/aliénation pour s’intéresser aux liens entre féminité et maternité, à ses multiples réalités, ses différentes incarnations.