Depuis le début de l’année, au moins 45 mouvements de protestation ont éclaté dans le monde. L’Europe est particulièrement touchée par les manifestations liées aux conditions économiques et aux droits politiques, reflétant une érosion démocratique et le durcissement autocratique dont on vous parlait déjà fin 2023.
En 3 mois, les agriculteurices se sont déjà mobilisé·es dans 10 pays (Espagne, Roumanie, Pologne, France, Belgique, Slovaquie, Malte, Italie, Grèce ou encore la République tchèque). La Hongrie a également vu l’un des mouvements les plus importants de ce début d’année avec plus de 50 000 personnes rassemblées causant notamment la démission de Katalin Novak, la présidente hongroise, de la ministre de la justice du gouvernement Orban Judit Varga et du chef de l’église protestante hongroise. La raison ? Le directeur adjoint d'un orphelinat public qui avait été emprisonné pour avoir couvert une série d'agressions sexuelles sur des enfants a été gracié l'année dernière, mais la nouvelle n'a été connue que début février. Ce mouvement a été créé et conduit par une douzaine d’influenceureuses, demandant expressément aux mouvements politiques de rester en dehors de la manifestation car, selon certains témoignages recueillis sur place “le gouvernement devrait cesser de penser que tout est permis”. Résultat : Viktor Orban a proposé d’amender la constitution pour aller dans le sens des revendications populaires.
“Crise du leadership moral”
Pour Mandeep Tiwana, l’un des auteurices du rapport 2024 publié par Civicus[i] sur l’état de la société civile dans le monde, “les attaques contre la société civile étaient la norme en 2023, même de la part de gouvernements qui prétendent adhérer aux valeurs démocratiques. La prévalence de ces abus prouve que le système international a désespérément besoin d'être réformé. Nous sommes confrontés à une crise aiguë du leadership moral sur la scène internationale”.
Selon le rapport de cette alliance mondiale d'organisations de la société civile et de militant·es, la société civile est descendue dans la rue pour protester là où des dirigeants démocratiquement élus ont ignoré les règles constitutionnelles et ont cherché à passer outre les mécanismes de contrôle, en plus de ses rôles habituels d'éducation des électeurices et de surveillance de l'intégrité des élections. C'est ce qui s'est passé tout au long de l'année 2023 au Mexique par exemple lors des “marches pour la Démocratie”, où la population s’est mobilisée contre les attaques du gouvernement à l’encontre de l'Institut national électoral, pour l'indépendance du pouvoir judiciaire et des organes autonomes, et contre l'influence indue du président sur la sur la compétition électorale.
En Europe, plusieurs élections ont donné lieu à des résultats troublants, y compris dans des pays où les principes démocratiques et les libertés civiques fondamentales sont historiquement globalement respectés. Les électeurices ont souvent rejeté les candidat·es sortant·es et un ensemble de partis et d'hommes politiques, exprimant ainsi leur déception à l'égard de ce que la démocratie leur a offert jusqu'à présent. En cette période de forte inflation, les idées présentées comme “neuves”, radicales et anti-élites ont le vent en poupe. Ainsi, ces cinq derniers mois, les populistes de droite sont arrivés en tête des élections aux Pays-Bas, en Suisse et sont entré·es au gouvernement en Finlande, même si cette menace n'a pas réussi à s'imposer en Espagne ou en Pologne.