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“On ne naît pas femme mais on en meurt”

Le crime consistant à tuer une personne en raison de son genre a un nom : le féminicide. Si le terme a effectivement réussi à s’imposer dans le débat public, c’est bien entendu grâce aux mobilisations féministes. Aujourd’hui on se demande encore pourquoi le terme n’a pas réussi à s’imposer sur le plan juridique. 

Léa Chamboncel

01 mars

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“On ne naît pas femme mais on en meurt”

Le crime consistant à tuer une personne en raison de son genre a un nom : le féminicide. Si le terme a effectivement réussi à s’imposer dans le débat public, c’est bien entendu grâce aux mobilisations féministes. Aujourd’hui on se demande encore pourquoi le terme n’a pas réussi à s’imposer sur le plan juridique. 

Léa Chamboncel

01 mars

Dans un rapport intitulé Inequality kills, la branche états-unienne de l’ONG Oxfam montre comment les inégalités basées sur le genre tuent : “Les violences basées sur le genre entraînent au minimum 67 000 décès chaque année. En outre, on estime que 143 millions de femmes manquent à l’appel dans le monde en raison des taux de mortalité féminine et des avortements sélectifs selon le sexe (préférence pour les garçons). Lorsqu’une crise survient, tout cela empire.” 

Les femmes, parce que femmes, sont tuées depuis des siècles, voire des millénaires. La chasse aux sorcières qui a eu lieu pendant des centaines d’années, nous en offre un bien triste exemple avec des dizaines de milliers de victimes. Récemment, des personnes accusées de sorcellerie ont encore été persécutées comme le relève National Geographic : “Au début des années 2000, la peur de la sorcellerie était à l’origine de violences et de décès dans des pays comme la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Nigeria”.  

Pour reprendre un slogan largement répandu dans le milieu féministe : “On ne naît pas femme mais on en meurt”. Et le crime consistant à tuer une personne en raison de son genre a un nom : le féminicide. La définition du féminicide que l’on trouve dans le Larousse est la suivante : “Meurtre d’une femme ou d’une jeune fille, en raison de son appartenance au sexe féminin. Crime sexiste, le féminicide n’est pas reconnu en tant que tel par le Code pénal français”. 

Le terme féminicide est employé pour la première fois en 1976 par la sociologue sud-africaine Diana Russell dans son ouvrage : “Femicide. The Politics of Woman Killing”. Le sous-titre “La politique du meurtre de femmes” interpelle puisqu’il laisse entendre que les meurtres de femmes sont politiques. 

Car oui, ces meurtres sont politiques et comme le souligne Laurène Daycard : “Le féminicide n’est pas seulement un crime genré. C’est aussi un crime d’État” puisque comme le démontre l’anthropologue Marcela Lagarde y de los Rios citée par Laurène Daycard : “Le féminicide implique la rupture partielle de l’État de droit, car l’État est incapable de garantir la vie des femmes, de respecter leurs droits fondamentaux, d’agir en suivant les lois et en les faisant respecter, de rechercher et de rendre la justice, et de prévenir et d’éradiquer la violence qui en est à l’origine”. (“Nos absentes. À l’origine des féminicides”, p. 79). 

Dans un article publié par Slate en juillet 2021, les historien·nes Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud expliquent comment le terme a réussi à s’imposer dans le débat public en relevant notamment que “pendant des siècles, il a été occulté par les termes “crime passionnel”, “drame de la séparation”, “tragédie conjugale” ou encore “drame de la jalousie”, autant d'expressions qui ont contribué à dédouaner les auteurs de crime et à ignorer que l'immense majorité des victimes étaient des femmes”. 

Si le terme a effectivement réussi à s’imposer dans le débat public, c’est bien entendu grâce aux mobilisations féministes. Aujourd’hui on se demande encore pourquoi le terme n’a pas réussi à s’imposer sur le plan juridique. En effet, les féminicides ne sont pas reconnus par le Code pénal, alors qu’Emmanuel Macron avait lui-même appelé en 2019 à “donner un statut juridique à ce sujet”. C’est pourtant une des revendications des associations et collectifs féministes qui, à l’instar de Nous Toutes, interpellent régulièrement les pouvoirs publics pour inscrire le terme dans le code pénal et demander “une définition qui s’étende au-delà de la sphère conjugale”. Car comme Lydie Bodiou et Frédéric Chauvaud l’affirment : “L’introduire dans les législations, soit comme catégorie particulière, soit comme circonstance aggravante, permet de mettre un mot sur un crime”. 

Et pour que ces crimes commis à l’encontre des femmes et des minorités de genre cessent, il faut également que les pouvoirs publics mettent en place des réformes structurelles ambitieuses. En la matière, une approche systémique est nécessaire. 

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