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Bonne année 2034 !

Dystopie, utopie ou uchronie, toutes ont un point commun : les pauvres, les femmes+ et les espèces animales seront les sacrifiées de ces catastrophes climatiques imaginées et seront exploité·es dans la survie ou la reconstruction d’une humanité nouvelle.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

08 janv.

blue and black disco ball
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Bonne année 2034 !

Dystopie, utopie ou uchronie, toutes ont un point commun : les pauvres, les femmes+ et les espèces animales seront les sacrifiées de ces catastrophes climatiques imaginées et seront exploité·es dans la survie ou la reconstruction d’une humanité nouvelle.

Illustration d'Amandine Richaud Crambes

Amandine Richaud-Crambes

08 janv.

La science-fiction dans toutes ses formes notamment dans les objets cinématographiques ont souvent traité de l’idée que le monde, tel que nous le connaissons, va s’effondrer. Alors, l’espèce humaine survivra dans un territoire post apocalyptique, peuplé de monstres mutants cannibales ou elle empruntera la voie spatiale afin de coloniser une autre planète vivable sous peine d’errer dans la nuit infinie.

Aujourd’hui, la crise écologique et climatique devient un sujet récurrent dans les œuvres de science-fiction. Il y a les catastrophistes comme Don't’ look up, Soleil Vert (must to see) ou l’épisode 6 de la saison 3 de Black Mirror parlant de la disparition des abeilles remplacées alors par des robots. Il y a les lyriques et optimistes comme Interstellar, les œuvres de Hayao Miyazaki dont Nausicaa de la Vallée du vent et Princess Mononoke, ou encore le petit bijou de chez Pixar, Wall-E. Il y a celles qui font un lien avec la mise de côté d’une certaine partie de la population : Gunnm, le manga de Yukito Kishiro parlant de la ségrégation géographique entre les plus riches et les plus pauvres ; la trilogie de Margaret Atwood, La Servante Écarlate, détaillant la diminution de la fertilité à cause de la crise écologique et les répercussions sur les femmes ; ou encore, la toute nouvelle série norvégienne, the Fortress, où une Norvège auto-suffisante s’emmure contre toute immigration.
Dystopie, utopie ou uchronie, toutes ont un point commun : les pauvres, les femmes+ et les espèces animales seront les sacrifiées de ces catastrophes climatiques imaginées et seront exploité·es dans la survie ou la reconstruction d’une humanité nouvelle.

Malheureusement, c’est là où la réalité collusionne avec la science-fiction. Même dans des futurs proches ou éloignés, la reproduction des normes patriarcales et socio-économiques perdure. Pas besoin d’aller très loin pour en trouver la cause. Sauf Margaret Atwood, qui dénonce justement la condition possible des femmes si leurs droits actuels ne sont pas sanctifiés, la science-fiction est écrite principalement par des hommes, aisés et blancs. Même l’excellent Ministère du futur, de Kim Stanley Robinson a du mal à sortir de cet écueil.  Pourtant, je le rappelle certainement pour la centième fois de l’année 2023 et la 1ère fois de 2024, la transition écologique ne pourra se faire sans les femmes+ et les populations les plus précaires car, non seulement elles sont les plus impactées par le changement climatique, mais elles sont aussi les plus actives au quotidien pour lutter contre la crise environnementale, que cela soit subi ou volontaire.

La reproduction des codes du vieux monde dans les nouveaux imaginaires nous amène à valider certaines prémonitions de la science-fiction déjà visibles à notre époque. L’excellente enquête du New Yorker, datant de 2017 explique : « Les super-riches se préparent à l’apocalypse. De nombreux milliardaires, souvent issus de Tech et de la Silicon Valley, investissent des fortunes dans ses résidences censées les protéger en cas d’apocalypse climatique ou nucléaire. Une tendance de fond inquiétante surtout venant de la part d’entrepreneurs en pointe sur les technologies du futur. ».  Mark Zuckerberg, en tête de liste, a dépensé 250 millions de dollars pour son bunker de luxe à Hawaï. Récit très proche de, Meurtre au bout du monde, l’excellente série de la tout aussi géniale Brit Marling (The OA), qui décrit avec précision cette nouvelle lubie empreinte d’éco-anxiété.

Autre exemple qui a un impact sur les générations actuelles de femmes mais surtout sur les futures : le retour de la politique nataliste et la restriction des droits de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Le 24 juin 2022, la Cour suprême des Etats-Unis annulait un arrêt fédéral, Roe vs Wade, qui garantissait depuis 1973 le droit d’avorter sur tout le territoire. Depuis, 14 Etats ont interdit l’IVG, dans 7 ce droit est restreint et il est en danger dans 4 autres. Ce droit fondamental recule dans le monde entier, même en Europe où Malte l’interdit déjà. Cela n’est pas sans lien avec la politique nataliste, grand projet des droites et des extrêmes droites.

La natalisme fait son retour médiatisé en France en 2023 lors de la réforme des retraites et, sous-jacente, la loi immigration. Tout d’abord par la voix de Jordan Bardella (RN), qui dès janvier 2023 lors d’une interview, proposa plutôt de “relancer la natalité” pour avoir plus de cotisations dans les prochaines décennies que faire une réforme. Plus frontalement, Bruno Retailleau (LR) assume : « La question démographique est une question idéologique, car pour financer un régime par répartition, c’est soit plus d’enfants, soit plus d’immigré·es ». Gabriel Attal dira d’ailleurs que la politique familiale n’est pas un « tabou » et saluait le « combat » des députés LR (sic). Un an après sa formation, le gouvernement italien de Meloni a fait de la natalité et des familles une priorité absolue, animée par la crainte de voir les populations blanches remplacées par celles issues de l’immigration. Cela comprend aussi une question identitaire comme pour ses équivalents européens. Elon Musk en décembre dernier validait cette politique rappelant son idéologie nataliste ancrée, même dans ses technologies du futur. Le corps des femmes est alors instrumentalisé. La femme n’est perçue qu’en tant que mère et à la rigueur en tant qu’épouse, jamais en tant que personne au même titre que les hommes. Il n’est donc pas question qu’elle choisisse sa maternité et encore moins les moyens contraceptifs, puisque les femmes doivent procréer, éduquer et rester à la maison. Cela ne vous rappelle rien ? Blessed be the fruit.

La science-fiction est rattrapée par la réalité ou vice-versa. Cela ne concerne pas uniquement la crise écologique mais aussi les crises socio-économiques et féministes qui en découlent et qui pour autant, sont une fois de plus les grandes oubliées des écrivains.

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