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“Celles qui avaient renoncé aux hommes”

Le 4B n’est donc pas une preuve de plus de la radicalité et de l’hystérie des féministes mais bien un moyen de pression politique et de désobéissance civile, au même titre que la grève du sexe et le séparatisme lesbien (le fameux lesbianisme politique). 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

24 janv.

3 women holding brown cardboard box
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“Celles qui avaient renoncé aux hommes”

Le 4B n’est donc pas une preuve de plus de la radicalité et de l’hystérie des féministes mais bien un moyen de pression politique et de désobéissance civile, au même titre que la grève du sexe et le séparatisme lesbien (le fameux lesbianisme politique). 

Illustration de Camille Dumat

Camille Dumat

24 janv.

Comme tous les mois de novembre depuis quelques années, nous sommes descendues, plus nombreuses chaque année, pour défendre les droits des femmes et dénoncer les violences sexistes et sexuelles. En effet, le 25 novembre est, depuis 1993, la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Lancée dans le sillage de la Déclaration de l’Onu, sur l’élimination de violence faites aux femmes cette date est un hommage à l’assassinat des sœurs Mirabal, trois militantes dominicaines assassinées le 25 novembre 1960 sur les ordres du dictateur Rafael Trufillo.   

Plus de 30 ans après, et même si la foule de femmes toujours plus nombreuses à se mobiliser réchauffe les cœurs, il est difficile de ne pas se montrer défaitiste. Célébrer cette journée, en plein procès Mazan, après les révélations sur l’Abbé Pierre, et alors que les élections américaines ont marqué un retour en arrière colossal, a tout d’une gageure.

En France qu’en est-il ?

Il est très difficile d’estimer l’ampleur et les véritables chiffres des violences sexistes et sexuelles. D’abord parce que les femmes, souvent, ne portent pas plainte. Les principales données dont on dispose proviennent de deux rapports annuels effectués par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). 

Les premiers chiffres sont ceux du Bilan statistique « Insécurité et délinquance » fondé sur les plaintes enregistrées par la police ou la gendarmerie.

D’autres proviennent d’un rapport dit « de victimisation » basé sur le vécu et le ressenti en matière de sécurité et sur un échantillonnage de personnes âgées entre 18 à 74 ans, interrogées sur les violences dont elles ont été victimes au cours de leur vie.

Parfois critiqué pour sa radicalité, le mouvement 4B est souvent vu comme une sécession un peu vaine, un rejet des hommes soit immature, soit violent. D’ailleurs, dans un article du 15 novembre 2024, le magazine Elle titrait “C’est quoi le 4B, ce mouvement féministe qui rejette les hommes.” La formulation n’est pas anodine, et si l’article dénonce la misogynie dont sont victimes les femmes en Corée et aux États-Unis, le soupçon est quand même là. Les hommes sont rejetés et rien de bon ne peut sortir de ça. L’appel à la nuance ne devrait pas tarder à suivre.

Déjà cette vision réductrice montre bien la pauvreté de nos imaginaires si l’on est pas capable de voir que ne pas coucher avec les hommes, ne pas se marier et ne pas porter d’enfant laisse la place à tout un tas d’autres activités : travailler avec un homme, être ami avec un homme, faire du sport avec un homme, déjeuner ou dîner avec un homme, monter une entreprise avec un homme et ainsi de suite… 

Par ailleurs, dans un pays où le droit à l’avortement est remis en cause, mettant en péril la vie et la santé des femmes, la décision de ne pas coucher avec des hommes n’est pas seulement une punition injuste mais aussi le seul moyen pour les femmes, dans un premier temps, de lutter contre le recul de leurs droits. La radicalité de ce mouvement dépasse largement l’effet de mode, non seulement cette attitude est frappée au coin du bon sens mais elle s’enracine dans une tradition féministe qui a pris de nombreuses formes au gré des vagues successives de féminisme. Le 4B n’est donc pas une preuve de plus de la radicalité et de l’hystérie des féministes mais bien un moyen de pression politique et de désobéissance civile, au même titre que la grève du sexe et le séparatisme lesbien (le fameux lesbianisme politique). 

Beaucoup utilisé en Afrique, la grève du sexe est un moyen de pression extrêmement efficace. En 2002, la grève du sexe menée par Leymah Gbowee au Liberia a permis de faire pression sur les négociations de paix. Même chose au Togo en 2012, où les femmes ont fait la grève du sexe pour demander le départ du président Faure Gnassinbé. 

Développé dans les années 1960, le lesbianisme politique, popularisé par Monique Wittig et Adrienne Rich était un mouvement qui visait à sortir non seulement de la pression de l’hétérosexualité mais aussi de la nécessité pour les femmes d’éduquer les hommes, tâches ô combien chronophage et pas toujours suivi d’effet. Le séparatisme lesbien a beaucoup été critiqué, ne serait-ce qu’à cause des risques d’essentialisation, voire de fétichisation des lesbiennes. Lesquelles ne sont pas par définition forcément féministes. 

Prise au pied de la lettre et par le prisme des réseaux sociaux, tous ces mouvements sont immédiatement dépolitisés et décrédibilisés. Il n’en reste pas moins que la détresse des femmes, et des étatsuniennes en particulier, dans des sociétés qui se radicalisent, sont évidentes et que tous les moyens sont bons pour se défendre et se protéger. 

Et un fait demeure : quelle que soit la forme que cela peut prendre, il a toujours existé des femmes qui, par choix ou par hasard, dans la joie ou dans la tristesse, ont mené une vie solitaire, une vie hors du couple, une vie délestée des dettes et des contre-dettes. Une vie de célibataire, dit-on ? Et c’est aussi parce que ces vies ne sont jamais vraiment vues et valorisées que nous sommes parfois si démunies. Que se passerait-il si on donnait à la solitude féminine la place qui lui revient, dans la société et dans le combat féministe ?

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