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Enfance : la petite cause du quinquennat 

En novembre 2023, le gouvernement a lancé son plan pluriannuel de lutte contre les violences faites aux enfants en affichant 6 objectifs et 22 actions à mener. Pour beaucoup de professionnel·les du secteur, ce plan est une succession de mesurettes au financement incertain… De la communication en dépit d’actions concrètes ? Affaire à suivre… 

Léa Chamboncel

23 janv.

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Enfance : la petite cause du quinquennat 

En novembre 2023, le gouvernement a lancé son plan pluriannuel de lutte contre les violences faites aux enfants en affichant 6 objectifs et 22 actions à mener. Pour beaucoup de professionnel·les du secteur, ce plan est une succession de mesurettes au financement incertain… De la communication en dépit d’actions concrètes ? Affaire à suivre… 

Léa Chamboncel

23 janv.

Quand on fait le choix d’écrire sur l’enfance, on sait quand on commence mais on ne sait jamais quand on va terminer, tellement il y a de choses à dire… Le premier sujet qui vient à l'esprit est celui des violences. Et, en la matière, les chiffres sont particulièrement inquiétants : 1 enfant meurt chaque semaine sous les coups d’un·e adulte, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, dont 77% au sein de la famille, 24% des Français·es de plus de 18 ans estiment avoir été victimes de maltraitances graves dans leur enfance (source : secrétariat d’État chargé de l’enfance). 

Depuis plusieurs années, le gouvernement assure vouloir lutter contre les violences faites aux enfants. Aussi, poussé par une forte mobilisation citoyenne qui a notamment pris de l’ampleur avec la parution de l’ouvrage de Camille Kouchner, La familia grande, et le mouvement #Metooinceste lancé par Madeline Da Silva pour le collectif Nous Toutes, le gouvernement a mis en place début 2021 la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). La mission de la CIIVISE est la suivante : “accompagner un changement de société, pour permettre à la France de s’engager de manière déterminée pour une protection des mineurs, par l’instauration d’une culture de la prévention et de la protection”. 

La commission, alors présidée par le juge Edouard Durand, a remis son rapport en novembre dernier dans lequel elle propose 82 préconisations dont l’imprescriptibilité des viols et agressions sexuelles commises contre les enfants. Un mois plus tard, alors que le gouvernement annonce que la mission de l’instance est renouvelée, le juge Durand est écarté de sa présidence bien qu’il soit largement plébiscité pour son travail par l’ensemble des acteurices du secteur. Dans la foulée, 11 membres quittent la commission pour afficher leur soutien au juge Durand et contester cette décision qui semble leur avoir été imposée, tel qu’en atteste leur communiqué de presse publié le jour de leur démission collective : “Nous déplorons que les deux coprésidents n’aient pas été préalablement informés ni du maintien de la Ciivise ni de la nomination de Sébastien Boueilh, et donc de l’éviction d’Edouard Durand”. Les membres démissionnaires dénoncent le silence du gouvernement suite à leur sollicitation dans laquelle était demandé le maintien du juge Durand à la tête de la commission. Un silence difficile à encaisser lorsque l’on se donne pour mission de “briser le silence”. Cet événement a profondément choqué l’ensemble des acteurices du secteur et le principal concerné, le juge Edouard Durand, confiait récemment à l’Humanité qu’il s’agissait pour lui “d’une volonté de transformer la Ciivise en une simple instance de suivi, qui laisserait de côté sa tâche essentielle de recueil de la parole des victimes”. 

Toujours en novembre 2023, le gouvernement a lancé son plan pluriannuel de lutte contre les violences faites aux enfants en affichant 6 objectifs et 22 actions à mener. Pour beaucoup de professionnel·les du secteur, ce plan est une succession de mesurettes au financement incertain… De la communication en dépit d’actions concrètes ? Affaire à suivre… 

On ne peut bien évidemment pas parler de l’enfance sans parler de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et là aussi, il faut bien l’admettre la situation est catastrophique : difficultés financières qui ne se résorbent pas, nombre d’enfants en danger qui augmente, partout en France les services de l’ASE sont au bord de l’implosion. Face à ce constat, et à l’appel de nombreux départements (qui gèrent l’ASE), Charlotte Caubel (l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’enfance) avait annoncé qu’elle était favorable à la tenue d’États généraux de la protection de l’enfance en 2024… Encore une promesse qui n’engage que celleux qui y croient ? On peut légitimement se poser la question. 

Par ailleurs, si le gouvernement prétend œuvrer pour une plus grande protection de l’enfance, au-delà du fait que l’on peut aisément en douter, il est important de noter que depuis la prise de pouvoir d’Emmanuel Macron, la pauvreté explose. Aussi, les enfants sans solution d’hébergement sont de plus en plus nombreux·ses : 1990 en 2023 selon l’UNICEF, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022. Ajoutons à ça qu’une étude de l'Assurance maladie et de Santé publique France, publiée le 9 janvier dernier, démontre que les enfants les plus pauvres sont trois fois plus souvent hospitalisé·es pour des problèmes psychiatriques que les autres. Plus globalement, et comme nous l’a dit La Cimade, il n’y a pas de réelle politique publique de protection de l’enfance en France.  

Enfin, last but note least, parlons maintenant de l’éducation. Même si c’est le secteur qui bénéficie du plus gros budget (64 milliards en 2024), il est important de noter que la France est l’un des pays de l’OCDE qui investit le moins dans l’éducation. Par ailleurs, les inégalités scolaires se sont creusées ces dernières années et les réformes en cascade ont compliqué l’organisation de l’enseignement. Et la récente réforme du collège, avec notamment la mise en place de groupes de niveaux, risque d’accentuer les inégalités… 

Bien que le nouveau premier ministre ait assuré qu’il emmenait avec lui à Matignon “la cause de l’école”, “mère de toutes les batailles” on imagine encore difficilement comment les choses peuvent s’améliorer quand l’on voit que ce portefeuille est désormais un portefeuille parmi d’autres. Car en effet, on peut d’ailleurs se demander comment Amélie Oudéa-Castéra qui est déjà bien occupée avec les Jeux Olympiques de Paris, va arriver à s’occuper “en même temps” de : la jeunesse, des sports ET de l’éducation nationale. Notons toutefois que ce n’est pas la première fois qu’un·e ministre se retrouve à cumuler ces portefeuilles, mais la particularité c’est que ce n’est jamais arrivé en période de JO accueillis par la France… Si elle s’ennuyait, peut-être aurait-elle pu trouver une solution pour loger les volontaires des JO au lieu de demander honteusement aux étudiant·es résidant dans des logements du CROUS de “faire un effort”. 

Vous l’aurez compris, la situation est alarmante et il est urgent de politiser l’enfance et de tout faire pour qu’elle soit au centre de nos préoccupations politiques et citoyennes. 

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