Quand on fait le choix d’écrire sur l’enfance, on sait quand on commence mais on ne sait jamais quand on va terminer, tellement il y a de choses à dire… Le premier sujet qui vient à l'esprit est celui des violences. Et, en la matière, les chiffres sont particulièrement inquiétants : 1 enfant meurt chaque semaine sous les coups d’un·e adulte, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, dont 77% au sein de la famille, 24% des Français·es de plus de 18 ans estiment avoir été victimes de maltraitances graves dans leur enfance (source : secrétariat d’État chargé de l’enfance).
Depuis plusieurs années, le gouvernement assure vouloir lutter contre les violences faites aux enfants. Aussi, poussé par une forte mobilisation citoyenne qui a notamment pris de l’ampleur avec la parution de l’ouvrage de Camille Kouchner, La familia grande, et le mouvement #Metooinceste lancé par Madeline Da Silva pour le collectif Nous Toutes, le gouvernement a mis en place début 2021 la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE). La mission de la CIIVISE est la suivante : “accompagner un changement de société, pour permettre à la France de s’engager de manière déterminée pour une protection des mineurs, par l’instauration d’une culture de la prévention et de la protection”.
La commission, alors présidée par le juge Edouard Durand, a remis son rapport en novembre dernier dans lequel elle propose 82 préconisations dont l’imprescriptibilité des viols et agressions sexuelles commises contre les enfants. Un mois plus tard, alors que le gouvernement annonce que la mission de l’instance est renouvelée, le juge Durand est écarté de sa présidence bien qu’il soit largement plébiscité pour son travail par l’ensemble des acteurices du secteur. Dans la foulée, 11 membres quittent la commission pour afficher leur soutien au juge Durand et contester cette décision qui semble leur avoir été imposée, tel qu’en atteste leur communiqué de presse publié le jour de leur démission collective : “Nous déplorons que les deux coprésidents n’aient pas été préalablement informés ni du maintien de la Ciivise ni de la nomination de Sébastien Boueilh, et donc de l’éviction d’Edouard Durand”. Les membres démissionnaires dénoncent le silence du gouvernement suite à leur sollicitation dans laquelle était demandé le maintien du juge Durand à la tête de la commission. Un silence difficile à encaisser lorsque l’on se donne pour mission de “briser le silence”. Cet événement a profondément choqué l’ensemble des acteurices du secteur et le principal concerné, le juge Edouard Durand, confiait récemment à l’Humanité qu’il s’agissait pour lui “d’une volonté de transformer la Ciivise en une simple instance de suivi, qui laisserait de côté sa tâche essentielle de recueil de la parole des victimes”.