Depuis de nombreuses années, il est interdit de consommer plusieurs espèces de poissons du Rhône et de la Saône. Dans les années 2000, dans les sédiments du Rhône et dans la chair des poissons autour de Lyon, la présence du PCB (Polychlorobiphényles, plus connus sous le nom de pyralène) a été détectée, ce qui laisse supposer que la pollution est ancienne. Les scientifiques se sont rendu compte que tout le fleuve était contaminé, de Lyon jusqu'à la Camargue. Les français·es découvrent alors que les premières alertes remontent à 1986 mais toutes les plaintes contre X déposées par des associations et des pêcheurs sont restées sans suite. La vente des PCB est pourtant interdite à la vente à partir de 1987. L'entreprise Tradi Séché serait à l’origine de cette pollution aux PCB qui entraînent des problèmes de fertilité, de naissances prématurées, de croissance et une dégradation du système immunitaire. Selon le Centre de lutte contre le cancer Léon Bernard, les polychlorobiphényles (PCB) sont une famille de molécules chimiques de synthèse massivement utilisées entre 1930 et 1970 comme lubrifiants et dans la fabrication de transformateurs électriques et de condensateurs. Ce sera seulement en 2009 qu’une première interdiction de consommer les poissons de la vallée du Rhône voit le jour. Légèrement modifiée depuis par les services de préfecture, elle est aujourd’hui toujours en vigueur. En effet, l’alimentation constitue la principale source d’exposition humaine à ces substances. Même si des gros travaux de dépollution ont été entrepris, les PCB seront encore présents dans l’environnement pendant des décennies.
Récemment, c’est une nouvelle pollution qui alarme les autorités scientifiques et la population lyonnaise, la France, l’Europe. A nouveau, la préfecture du Rhône déconseille de consommer des produits alimentaires comme les œufs issus d'une partie des communes de la vallée de la chimie, en raison de leur forte teneur en polluants éternels. Un œuf contient jusqu'à 13,44 µg/kg en poids frais, pour une valeur maximale fixée à 1,70 µg/kg dans l'Union européenne. Ces PFAS sont quasi indestructibles une fois rejetés dans l'environnement. Une fois de plus, la vallée de la chimie est pointée du doigt ; elle est considérée comme l'une des zones de France les plus polluées aux PFAS. Alors le règlement Reach, entré en vigueur en 2007 a pour objectif de sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne, en France, un plan d’actions ministériel sur les PFAS n’a été élaboré qu’en 2023. Pourtant, plusieurs études ont montré la présence de PFAS dans le sang de pratiquement toute la population. En France, le programme national de biosurveillance Esteban a ainsi révélé la présence de certains PFAS dans 100 % du sang des adultes et des enfants testés. Nouvelle étape alarmante, en février 2025, pour la première fois en France, des études ont permis de mesurer la concentration dans l'air ambiant de certains PFAS, à l'aide de préleveurs d'air à haut débit, installés par Atmo[2] de la région AURA dans la périphérie lyonnaise. La persistance de PFAS dans l'air s’étend jusqu’à une dizaine de kilomètres de la source. L'air est à la fois un facteur de transport important mais aussi de dilution. C'est à Oullins-Pierre-Bénite que sont installées les usines chimiques Daikin et Arkema, deux sociétés produisent des polymères fluorés et manipulent à ce titre des PFAS, et où les mesures les plus préoccupantes ont été relevées.
Comme toujours, ce sont les humains les plus vulnérables aux pollutions, c’est-à-dire les femmes et les enfants, qui en sont les premières victimes. Tout d’abord, les femmes enceintes les plus exposées aux PFAS risquent un placenta au poids réduit et moins vascularisé. Une contamination par les PFAS a été constatée dans le lait de vache et les substituts du lait pour bébé. Le passage des PFAS dans le lait maternel est également connu et documenté. Les nourrissons peuvent donc être exposés durant la grossesse et l’allaitement. Cependant, les taux d’imprégnation aux PFAS des nourrissons allaités au sein rejoignent, en grandissant, ceux des autres enfants et l’allaitement reste bénéfique[3]. Après, toute leur vie, les femmes et les enfants seront exposés aussi aux polluants éternels, de l’eau qu’iels boivent à leur alimentation.
La proposition de loi d’origine sur l’interdiction des PFAS a été fortement amendée vers du moins contraignant, comme beaucoup de réglementations environnementales pourtant nécessaires pour la protection des populations, ceci au profit du libéralisme des industries polluantes. Néanmoins, si la loi est adoptée, elle restera une grande avancée dans la protection des français·es.
NB : la loi a été adoptée entre la rédaction et la publication de cet article.
[1] Anses est l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.
[2] ATMO est un acronyme qui désigne les Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l'Air (AASQA) en France. Ces organismes jouent un rôle de premier plan dans la surveillance et l'évaluation de la qualité de l'air sur l'ensemble du territoire français.
[3] Source : Institut fédéral allemand d’évaluation des risques