La première moitié de l’année 2024 a été marquée par l’action des juridictions internationales pour tenter de mettre fin au génocide actuellement en cours à Gaza. Tout commence le 26 janvier dernier lorsque la Cour internationale de justice (CIJ) rend une ordonnance demandant à Israël d’empêcher d’éventuels actes de “génocide” et de “prendre des mesures immédiates” pour permettre la fourniture “de l’aide humanitaire à la population civile de Gaza”. Cette décision a été rendue suite à une saisine de l’Afrique du Sud qui a défendu qu’Israël viole la Convention des Nations unies sur le génocide de 1948.
La CIJ émet une nouvelle ordonnance le 24 mai 2024 dans laquelle elle ordonne à Israël d'arrêter son offensive militaire à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. Alors que certains médias et politiques rechignent à reconnaître la situation à Gaza, les juges de la CIJ s’en tiennent aux faits et font preuve d’une clareté nécessaire, comme en témoignent les termes de l’ordonnance : “L’État d’Israël doit, conformément aux obligations lui incombant au titre de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et au vu de la dégradation des conditions d’existence auxquels sont soumis les civils dans le gouvernorat de Rafah (...) arrêter immédiatement son offensive militaire, et toute autre action menée dans le gouvernorat de Rafah, qui serait susceptible de soumettre le groupe des Palestiniens de Gaza à des conditions d’existence capables d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle.”
Est-ce pour autant que “l’offensive” d’Israël a cessé ? Non.
En parallèle des décisions de la CIJ, la Cour pénale internationale (CPI) a également agi en la personne de son procureur, Karim Khan, qui a requis plusieurs mandats d’arrêt contre des responsables israéliens, dont Benjamin Netanyahou, et des responsables du Hamas pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Les juges de la CPI doivent désormais statuer sur cette requête. Si ces mandats d’arrêt sont confirmés, les personnes visées pourront alors être arrêtées si elles se rendent sur le territoire d’un des États reconnaissant la compétence de la CPI, conformément au Statut de Rome. Par conséquent, les responsables mis en cause verront leur liberté de mouvement se restreindre et, dans cette perspective, le premier ministre israelien sera davantage isolé sur la scène internationale, au même titre que le président russe qui est visé par un mandat d’arrêt de la CPI depuis 2023.
Ce qu’il faut savoir, c’est que cette requête de Karim Khan est l’aboutissement d’un travail qui a débuté en 2014 quand la Cour a été saisie sur la situation en Palestine. Le 16 janvier 2015, la procureure de l’époque, Fatou Bensouda, a annoncé l'ouverture d'un examen préliminaire concernant la situation dans l'État de Palestine afin de déterminer si les critères définis par le Statut de Rome pour l'ouverture d'une enquête étaient remplis. En mars 2021, considérant que les critères étaient effectivement remplis, Fatou Bensouda annonce ouvrir une enquête. Une décision extrêmement courageuse, et vous allez comprendre pourquoi.
Dans sa déclaration du 20 mai 2024, Karim Khan a prononcé ces mots : “Il est crucial, à l’heure qu’il est, que mon Bureau et tous les organes de la Cour, y compris ses juges indépendants, puissent accomplir leur travail en toute indépendance et en toute impartialité. Je demande instamment que cessent immédiatement les tentatives d’obstruction, d’intimidation ou d’influence indue des fonctionnaires de la Cour.” Ici le procureur fait vraisemblablement référence, comme nous l’apprend une brillante enquête menée par The Guardian (“Spying, hacking and intimidation: Israel’s nine-year ‘war’ on the ICC exposed”), à “la guerre secrète” (telle que la nomme le quotidien britannique) menée par le gouvernement de Netanyahou contre les membres de la CPI.
Dans cet article, on apprend entre autres que deux hommes se sont rendus au domicile l’ancienne procureure, Fatou Bensouda, en février 2015 (soit un mois après l’ouverture de l’annonce de l’ouverture d’un examen préliminaire) avec une enveloppe comprenant plusieurs centaines de dollars et un papier avec un numéro de téléphone israelien. Suite à cet événement, la CPI a demandé aux autorités néerlandaises de renforcer la sécurité du domicile de la procureure. Dans ce contexte, il est important de saluer le courage des procureur·es Bensouda et Khan.