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PJL immigration : où est passée l’humanité de nos responsables politiques ? 

S’il y a une réforme à mener en matière d’exil, il s’agirait avant tout de se concentrer sur la mise en place d’un accueil digne de ce nom et sur le respect par l’État de ses obligations internationales.

Léa Chamboncel

18 nov.

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PJL immigration : où est passée l’humanité de nos responsables politiques ? 

S’il y a une réforme à mener en matière d’exil, il s’agirait avant tout de se concentrer sur la mise en place d’un accueil digne de ce nom et sur le respect par l’État de ses obligations internationales.

Léa Chamboncel

18 nov.

L’examen du projet de loi “Pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration” a repris au Sénat le 6 novembre dernier pour s’achever aujourd’hui. Alors que le débat se poursuivra à l’Assemblée nationale en décembre, le Sénat a profité de ces quelques jours de discussions pour affirmer son manque d’humanité en agrémentant le texte de mesures injustes et discriminatoires : suppression de l’Aide médicale d’État (AME), suppression des allocations familiales et des APL pour les personnes en France depuis moins de 5 ans, etc. Ces mesures, comme le relève la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNDH) au sujet de la suppression de l’AME, sont inacceptables et créent une rupture d'égalité devant les services publics. 

Pourtant, le texte initial était déjà suffisamment inquiétant et consacre, comme le dénoncent de nombreuses associations dans un communiqué de presse commun diffusé le 6 novembre, “des atteintes sans précédent aux droits des personnes exilées” : généralisation du juge unique à la Cour nationale du droit d’asile (avec une remise en cause de la collégialité qui permet de prendre en compte différents points de vue et d’obtenir des décisions plus équilibrées), maîtrise du français (qui peut constituer une source de discrimination), extension de la double peine (le texte prévoit qu’une expulsion peut être prononcée à l’encontre d’une personne étrangère pour toutes les infractions passibles d’une peine de 5 ans ou plus, quel que soit le verdict final), etc. (source : https://singafrance.com/histoires/nouvelle-loi-immigration-decryptage-et-enjeux/ )

Par ailleurs, on peut aussi se poser la question de la “nécessité” d’un tel texte quand l’on sait que plus de 20 textes législatifs ont été adoptés depuis les années 90 pour “réguler” une immigration qui serait soi-disant devenue “incontrôlable”, à en croire certains médias et éditorialistes. Or, il n’en est rien. Ce que nous montrent les chiffres (étude INSEE, “Immigrés et descendants d’immigrés en France”) c’est que la part des immigré·es en France a effectivement augmenté (10% en 2021 contre 6,5% en 1968) mais cette augmentation ne peut pas être qualifiée d’exponentielle.

Depuis des décennies, texte après texte, la question de l’exil est déshumanisée par la majeure partie des responsables politiques au pouvoir au profit d’une vision purement économique et sécuritaire, même à gauche. La personne en exil n’est tolérée qu’à la condition de travailler et de se faire discrète, mais il n’est jamais question de lui faire une véritable place dans notre société. La fameuse “intégration” promise par le gouvernement en échange d’une plus grande “fermeté” est hypocrite et repose sur une fiction selon laquelle la France est traditionnellement un “pays d’accueil”. Un pays d’accueil qui laisse des milliers de personnes mourir à ses frontières, un pays d’accueil qui ne fait rien pour enrayer une montée très inquiétante du racisme, un pays d’accueil où le ministre de l’Intérieur s’adonne toutes les semaines, à un funeste décompte sur X des “délinquants étrangers, connus des services de police et renvoyés dans leur pays”... 

Dans un contexte où les lignes politiques sont totalement brouillées avec d’un côté une droite et un centre qui n’hésitent pas à porter des réformes discriminantes et de l’autre une gauche qui se laisse séduire par une vision utilitariste de la migration, il y a urgence à promouvoir une nouvelle perception, basée sur des considérations humaines et non purement sécuritaires ou économiques. 

Ainsi, s’il y a une réforme à mener en matière d’exil, il s’agirait avant tout de se concentrer sur la mise en place d’un accueil digne de ce nom et sur le respect par l’État de ses obligations internationales. Il s’agirait aussi de condamner les entreprises françaises qui ont une responsabilité dans certaines crises écologiques qui poussent les personnes à l’exil. Il s’agirait aussi de lutter contre la violence administrative que subissent les survivant·es des violences sexuelles et sexistes en exil. Les associations dénoncent une forme de double violence car, en plus des violences sexistes et sexuelles que les personnes subissent, s'ajoute une violence administrative due à l’insécurité juridique dans laquelle elles se retrouvent en fonction de leur statut. Aussi, il est très courant que des victimes de violences ne poussent pas les portes des commissariats pour porter plainte de peur de se retrouver arrêtées en raison de leur absence de titre séjour valide. Nos responsables politiques, et en particulier les député·es qui devront se pencher sur le texte à partir du mois prochain, gagneraient à recentrer les débats sur l’importance d’accueillir dans les meilleures conditions les personnes en exil et sur la nécessité de lutter contre le racisme et le sexisme et toutes les autres formes de discriminations.

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